mardi 31 juillet 2012

On l’écoute et on assume (X) : Le foutoir musical hard discount du Qualité Motel



Le Québec et la musique ? Aussitôt voilà que résonne dans notre cortex de stridentes dénominations à réduire en miettes en moins d’½ seconde la « collec » entière de céramiques de la Manufacture de Sèvres : Garou, Roch Voisine, Lynda Lemay et… la reine des reines, sa sérénissime majesté impériale Céline Dion.  Nos confrères musicaux québécois semblent ainsi s’être spécialisés dans les « chanteurs à voix » (doux euphémisme…). En même temps, il faut pousser une belle gueulante pour pouvoir espérer être entendu de l’autre coté de l’Atlantique : 6 000 km ce n’est quand même pas rien !

Pour ce faire, Qualité Motel, monstrueuse résurgence électro bête et méchante des fines lames de Misteur Valaire (chroniqués ici même il y a peu)  a choisi une autre stratégie. Plutôt que de risquer l’indigestion au miel de sapin et une entorse des cordes vocales, les cinq malicieux bonshommes misent sur la puissance de leurs machines électroniques et sur leur capacité à enchaîner de lourdes boucles de synthétiseurs sursaturés pour traverser l’océan sans naufrage.  Ce projet parallèle du quintet jazz-électro prend ainsi la forme d’un déversoir musical francophone des plus visqueux. Un cloaque délicieux où batifolent en liberté tentations douteuses et pulsions carrément incorrectes…


C’est bien connu, la bière  « Delux » est la pire que l’on puisse trouver pour se rafraîchir le gosier, le fast food « Best Burger » est à éviter dans l’intérêt de l’intégrité de son estomac, sans parler des produits estampillés par le label « Delicious & Tasty »… Pour le Qualité Motel même combat !  le Motel California, 1ère établissement de la franchise fait fort dans le hard discount de pacotille depuis son ouverture le 1er avril 2012. On se demande ce qui y est le plus dérangeant pour les pauvres hères qui y échouent par mégarde ; des draps d’une propreté plus que douteuse de Je vous salue Marie aux cloisons en carton pâte qui ne couvrent aucun des coupables épanchements d’En selle Gretel, en passant par la tuyauterie qui n’arrête pas de fuir et de chuinter pour un Motel Engineer 8bit de tous les diables …


Motel de passe vous l’aurez compris, chaque sombre recoin fait l’affaire pour un nouveau feat aguichant précipitamment exécuté. Un petit coup de voix et puis s’en va ! Stefie Shock, Mitsou, Grand Analog, Socalled, Yann Perreau, Pintandwefall, James Di Salvio, Mrs.Paintbrush, Karim Ouellet, Caracol, Elisapie Isaac, Béni bbq, Fanny Bloom… autant d’étranges invités qui nous ouvrent sur une scène canadienne pleine d’humour et d’autodérision.

Pour le reste le disco sound system tout terrain de l’établissement se chargera de recouvrir les fissures et les mauvaises finitions de la charpente sous un déluge sonore salvateur. La dégoulinante intro d’En selle Gretel en est l’exemple le plus implacable. La suite est une absurde et maladroite déclaration d’amour qui se prend les pieds dans le tapis mité dès le hall d’entrée du « palace ». Moqueur et carrément jouissif !


De la voix de boysband benêt de Je vous salue Marie aux robotiques vocalises de Kisu Kisu en passant par le rap furieux de Piscine/Pool, le  casting est parfait pour un revival trash du Musical Notre Dame de Paris en version techno- hard-discount. Voilà enfin une cour des miracles digne du chef d’œuvre de Victor Hugo !

Vous l’aurez compris, nous voilà à des années lumières de l’Hotel Normandie de Deauville et de ses confrères du triangle d’or des palaces parisiens… Mais n’empêche, qu’est ce qu’on s’amuse au Motel California ! Entre le volcanique Arabesque et Indécence,  le Gainsbourien Vol de Nuit et le technival de Motel Engineer, les soirées sont tellement chaudes sur le dancefloor…






Bref, une étape crasseuse mais incontournable du chemin de croix musical 2012.  Et rassurons expressément les radins culturels de tous poils et les aventuriers qui ne se nourrissent que de sons, d’amour et d’eau fraîche. Pour ceux qui auraient quelques scrupules à débourser quoi que ce soit pour déposer leurs paquetages poussiéreux dans cette miteuse adresse, sachez que leur seul effort consistera à cliquer sur le lien ci-dessous et à se laisser guider pour télécharger le tout gratuitement !

 Allez, avant de revenir à des contrées musicales plus nobles (et bien plus emmerdantes) c’est maintenant le moment de finir en beauté avec un titre éponyme indescriptible…




mardi 24 juillet 2012

The Awesomest Songs of the Week : le rock indestructible de Lite



Lorsque l’on vit dans un pays maudit par la nature et chéri par la folie humaine, il faut redoubler de génie et de ténacité pour survivre. Et recréer. S’il est un pays au monde qui illustre la destruction créatrice, c’est bien le Japon. Et s’il est une ville qui incarne l’innovation perpétuelle, c’est bien Tokyo. C’est de cette ville qu’est issu Lite, groupe de rock instrumental qui a décidé de tenir tête aux tremblements de terre, aux raz-de-marée et à la fission nucléaire en même temps. La société qui a conditionné des individus capables d’engendrer Godzilla et Violence Jack est indestructible, et la musique de Lite est un énième représentant de ces produits artistiques difformes, monstres mutants surpuissants au destin fatal.



Sorte d’Errors en plus bancal, ou de Battles en plus organisé, leur rock instrumental à peine soupçonné d’électronique est indiscutablement conceptuel. Les codes sont recréés, la technique est omniprésente et il y a fort à parier que leurs concerts soient d’intenses séances de concentration et de douleurs articulaires. La communion entre les quatre membres est bluffante, chaque phrasé de chaque instrument est finement serti dans ce qui constituera le produit final, célébrant le pouvoir de la communication et la puissance du travail acharné. Comme dans beaucoup d’autres domaines nippons, la recherche de performance et de perfection l’emporte sur celle de la facilité et de l’improvisation. 





La musique de Lite n’est jamais ni sinistre ni joyeuse, elle évolue dans la sagesse qui est entre les deux, cherchant une issue à la vacuité des modes. L’honnêteté pousse quand même à préciser qu’ils ont un côté progressif/intellectuel qui les relie un peu à Octopus Project, Lotus ou LemonJelly. Faites-vous votre idée à l’écoute d’extraits du dernier de leurs trois disques et de leur EP, « Past, Present, Future », dont rien que le titre donne une idée des ambitions historiques. Im-mor-tels vous dit-on !


Duck Follows an Eccentric by LITE on Grooveshark


samedi 21 juillet 2012

The Cast of Cheers : Chevauchée funeste


Alors que sort leur deuxième et génial album Family, il est plus que temps de se pencher sur la première percée de l’un des groupes les plus saisissants du moment : les Irlandais de  The Cast of Cheers. Intitulé Chariot, ce premier essai réussi, proposé en téléchargement gratuit, a fait chauffer Bandcamp il y a deux ans. 




Arborant une image qui a sa place dans le top 10 des pochettes les plus infâmes jamais sorties dans l’histoire de la musique, Chariot se résume à 33 minutes de math rock (ou "robot rock" comme semblent le préférer les membres du groupe, mais la nuance doit être ténue) sans concession, sans pauses ni détours. Les ingrédients classiques de ce style en expansion sont réunis : jeu mécanique et en boucles, chants spontanés en chœur, quelques touches d’électroniques et quelques dissonances intéressantes pour bousculer l’oreille inattentive. 




Si on ne peut s’empêcher de penser aux Foals, The Cast of Cheers a son identité propre. Un mélange de précision technique imparable et de spontanéité mélodique, qui sur Chariot apparaît beaucoup plus écorchée que sur Family. Après tout il s’agit de fin du monde, et les chansons sont bien plus sérieuses que ces néo-amazones rétro futuristes marchant sur leur lac de brume au clair de lune. 


De la brume on en retrouve quand même. Sur I Am Lion et Tigerfox, avec leur guitare éthérée, sur Strangers ou Auricom, des sommets d’inventivité. En fait cette pochette est peut-être sérieuse, car les chansons provoquent le même malaise angoissant, positif et grandiose tout en étant sujet à la panique. Ce sont 33 minutes de fuite en avant, et le groupe nous met en garde contre la chute du chariot en route, car en-dessous ce n’est pas la route mais le vide. 




L’empressement entêtant de Derp ou Autoshottie vous emmènera rapidement jusqu’au délié apocalyptique de Deceptapunk, aux sinistres samples de voix rappelant un peu le froid glacial de Crystal Castles ou de Trust. Basse sauvage toujours, la fin du voyage se fait sur Glitter, ultime et brillant chapitre du décathlon infernal. La tension monte jusqu’à l’explosion cacophonique, ne laissant derrière elle que ces diaboliques soupçons de guitares en boucle, parasites immortels qui n’auront pas laissé un seul morceau tranquille.




Une fois le disque écouté, vous pourrez considérer Family comme une ataraxie bien méritée : l’atteinte de la quiétude après l’écartement des tourments.

Chariot est disponible en téléchargement libre ici.



lundi 16 juillet 2012

The Dark Side Of The Stars (IV) : Dirty Work, la sale histoire des Rolling Stones



Bonjour jeunes gens. Prenez vos annales d’histoire contemporaine un peu après l’accession de Gorbatchev au pouvoir en URSS s’il vous plait. Et accrochez vous, c’est maintenant parti pour une petite leçon de musicologie avancée. Mick et sa bande plus punk que les Sex Pistols ? Drôle de présupposé pour les papys du rock’n roll vous dites…


Pourtant, en 1986, on était tout à fait en droit de se poser la question ! La situation géopolitique ne se porte pas fort : l’apartheid en Afrique du sud est encore d’actualité, les derniers soubresauts de la guerre froide se font ressentir, la famine fait rage en Ethiopie et la France s’empêtre dans un micmac  diplomatique avec le torpillage du pauvre Rainbow Warrior en Nouvelle-Zélande... Pour les Stones ça n’est pas plus brillant. Les relations ne sont pas au beau fixe entre Keith et Mick, elles semblent même carrément exécrables. Problème de drogue des uns, infidélités artistiques des autres, désaccords chroniques pour tous… C’est donc le moment de faire le sale boulot avec le bien nommé Dirty Work. Pas vraiment d’humeur à pousser la chansonnette et à faire danser les midinettes, les (déjà) vieux briscards du rock sont là pour faire le job, et puis c’est tout. Le résultat est un glacial brulot plein de frustrations mal digérées et de haines à peine voilées ; et les chansons s’enchainent, frénétiquement, suivant l’affolant tempo martelé par un Charlie Watts bien loin de ses amours jazzy. Plus vite cette sale affaire sera terminée mieux ça sera pour tout le monde.

Petit tour éclair des riffs les plus crados du disque…



Dès l’ouverture et la tonitruante intro de One hit (to the body) la tension est à son comble sur le ring. Un rythme de charleston et une lourde grosse caisse comme compte à rebours, et voilà qu’au top départ deux riffs de guitares acérés se jettent l’une sur l’autre comme deux chiens affamés qui seraient tentés par le cannibalisme. Et lorsque caisse claire et voix font leur apparition, pressées d’en découdre, le combat vire rapidement au free fight. Vraisemblablement le potard de saturation de son ampli bloqué au niveau 8,5/10 Keith Richards et Ron Wood prennent un malin plaisir à balancer des salves de décibels. Ce n’est plus un bête groupe de rock, mais bien une batterie de DCA en pleine contre-offensive aérienne. Et avec Charlie Watts en précieux soutien qui pilonne, inébranlable, derrière ses fûts, c’est gagné d’avance. Et petit détail pour briller en soirée mondaine, derrière le solo de guitare éclair se cache un maitre de la six cordes…  Jimmy Page en personne !

Hold Back by The Rolling Stones on Grooveshark


Mais pourquoi Hold Back n’est-elle pas devenue un hymne punk gravé dans le marbre pour plusieurs générations? Face aux éructations vocales de Sir Jagger et à la rythmique échevelée qui ne souffre  d’aucune baisse de régime durant toute la durée de la chanson, on est en droit de se poser la question. Tutoyant dans un premier temps Clash et Sex Pistols  elle s’oriente peu à peu vers des développements légèrement funky … Un étrange métissage qui s’aventure dans une terra incognita qu’exploreront à foison les Red Hot Chili Peppers quelque temps après sur Freakey Styley, Mother’s Milk ou Blood Sugar Sex Magic.

Place maintenant à Dirty Work, morceau éponyme, qui décline, dans la même veine que les deux titres précédents, un rock brutal et frénétique. Mais tout en conservant cette méchanceté primaire, il renoue avec des plans  plus familiers pour les Stones des années 80. « Let somebody do the Dirty Work », dégobille Jagger avec dégoût. Les riffs de Richards, hautains, répliquent avec agacement.


jeudi 12 juillet 2012

Bonus Tracks : Live report : la place de concert à 1000 balles


Bonus Tracks: Naissance d'une nouvelle rubrique !

Parce qu’à l’heure des comptes  premiums et des applis payantes le marketing est passé maitre dans l’art de jongler avec nos frustrations… On en veut toujours plus et on n’en aura jamais assez !
Désaccords Mineurs aussi s’adapte…  Mais, Grand prince, avec les petits extras de Bonus Tracks vous gagnerez davantage sans rien devoir débourser.  Au programmes : interviews décalés, Live reports incongrus…. et pas mal d’autres surprise…  Encore mieux que les cadeaux du paquet de Chocapic !
Live report : Goodshirt, la place de concert à 1000 balles




 
Vendredi soir j’étais à Auckland et il y avait un concert de Good Shirt au Bacco Room. Ils n’ont pas joué ici depuis 2004, à l’époque de Fidji Baby, donc c’était une assez bonne occasion d’aller les voir. En Nouvelle-Zélande, Good Shirt est l’un des groupes indépendants jouissant de la plus grande popularité et de la plus ample promotion, en dépit de leur faible coefficient d’exportation ; ils font la une des magazines culturels distribués dans la rue et l’affiche de leur nouvel EP Skinny Mirror recouvre pas mal de devantures de magasins de musique. C’est une assez bonne surprise. 

Le groupe se produit dans une salle appelée donc le Bacco Room, qui en fait de salle de concert est plutôt l’extension d’un restaurant italien bobo à souhait, avec des tables à nappes blanches, bougies et bouteilles de Sauvignon dans les coins, contredisant ma première impression lors de l’entrée en sous-sol qui se fait par un sordide escalier, très underground, rampant dans un bas côté de la très peu engageante Nelson street. Le public est clairsemé et essentiellement quinquagénaire, je fais un rapide calcul mental pour vérifier que les membres du groupe ne peuvent pas avoir le même âge, peu rassuré par le prix et le goût de la bière qui avoisinent le business model des terrasses du 7ème arrondissement.






Un premier groupe, She’s So Rad, arrive sur scène. Un duo mixte avec guitare, boîte à rythmes et synthé chip, qui entame un set de dream pop au son très écorché, aux mélodies assez intéressantes mais peu propices à la représentation scénique. Même si ça réveille les acouphènes, ça reste plaisant, mais le public et les fans sont absents ; les verres de blanc sont en supériorité numérique face aux bouteilles de bière, et l’ambiance est plus proche d’une soutenance de thèse que d’une débauche shoegaze du weekend.





Les choses s’arrangent nettement à l’arrivée de la seconde première partie. Un dénommé Tom Lark, fraîchement débarqué de Christchurch, attaque une heure entière de brit pop. Jamais entendu parler de lui de près ou de loin, d’où un plaisir décuplé à l’écoute de chacune de ses compositions, toutes excellentes et accrocheuses, très proches de ce que les Eversons ont produit récemment. Le groupe est calé, le son est de qualité et les fans sont là. Les lignes mélodiques du synthé font mouche,  comme la voix de M. Lark, très à l’aise dans son registre. Probablement la meilleure première partie que j’aie vue avec Alt-J

Le groupe s’efface en annonçant Good Shirt, excitant un public qui a perdu quelques décennies. Un quart d’heure s’écoule, puis une demi-heure… Attente anormale et assez pénible, quoiqu’adoucie par la diffusion d’Arcade Fire et de Modest Mouse. Le public s’est encore densifié et échauffé, et lorsque les lumières s’éteignent, c’est sous un brouhaha d’acclamations que Good Shirt arrive enfin sur scène...


Le groupe attaque par Blowing Dirt, Place To Be et Buck It Up, annonçant le niveau de la prestation. Le son est parfait, l’interprétation sublime, l’énergie totale. Rodney Fischer, le chanteur, est fou. Il se trémousse et se roule par terre, se donnant à 200% sur chaque chanson, ne pouvant à aucun moment effacer son sourire et sa joie de jouer, tripant avec Gareth Thomas, comme deux adolescents qui se préparent à faire un canular. 

Les titres de Good et Fidji Baby s’enchaînent quasi intégralement, entre power pop, ballades et essais plus sombres (Dumb Day) entourant les quelques petites nouvelles de l’EP, qui me font comprendre que je ne l’ai pas encore assez écouté. Batterie syncopée, guitare électrique subtile qui se pose par fines touches pour renforcer le rythme des morceaux, synthé passant de grosses basses analogiques à de fines lignes mélodiques (il n’y a pas de bassiste).


Good Shirt est un groupe professionnel, et lorsqu’ils entament Sophie ou Fidji Baby, l’accompagnement des fans indique bien que leur notoriété n’a en rien baissé malgré les presque dix années d’inactivité. Au bout d’une heure et demie, le groupe fait mine de partir, mais ne tient pas une minute en backstage avant de revenir jouer les phénoménales Green et Mousey dans un bordel total. Je pars à une heure du matin dans le froid de l’hiver austral, convaincu que les concerts parfaits existent.



mercredi 11 juillet 2012

Team Me, la pop mention très bien


On a tous côtoyé l’indécrottable premier de la classe. Appliqué, policé, peigné et souvent extrêmement irritant pour ses collègues de pupitre. Mais comme on ne peut pas tout avoir, ce timide binoclard, généralement malingre et asthmatique, devait frôler les murs hors de la salle de classe pour éviter les perverses vengeances que ses gentils petits camarades ne manquaient pas de lui faire subir avec délice. Scènes typiques qui ont offert au 7ème art certaines de ses plus belles séquences.


Et bien dans la turbulente pépinière pour jeunes pousses musicales Team Me semble être de ceux là ; à la grande différence près que le petit génie ne semble avoir aucun point faible, ni infirmité sur lesquelles on pourrait concentrer attaques et coups bas. Pas de lunettes à briser, encore moins d’inhalateurs de Ventoline à subtiliser. Imaginez un Einstein qui aurait la musculature de Nadal et le sourire de George Clooney... Voilà six sympathiques norvégiens qui produisent une pop précieuse et arrivent à allier brillance, simplicité, délicatesse et virtuosité. Et en live leur show est particulièrement intense sans tomber dans le grandiloquent. Un peu trop parfait pour être honnête, dites-vous ?  Autant vous dire que nous sommes encore activement à la recherche de leur talon d’Achille. Bon, sans succès pour le moment… mais ne perdons pas espoir. On arrivera bien à les remettre à leur place  ces  jeunes blanc becs qui se prennent pour les Shins !


Tout comme les jeunes britanniques Alt-J, Coastal Cities ou Egyptian Hip Hop, Team Me brille par la grande qualité de sa non moins très réduite discographie.  Un EP et un album exemplaire, voilà pour le moment les seules productions du jeune leader, Marius, épaulé par son solide sextet. Et pourtant, face à la richesse des arrangements et  la profondeur du son qui s’en dégage l’on jurerait être face à l’œuvre d’un groupe plus que confirmé. A peine quelques poils au menton et une maturité musicale déconcertante. Il est loin le temps ou l’on rentrait dans un groupe avant de savoir jouer de son instrument.

Tout commence avec Dear Sister, single/carte de visite impeccable. La suite s’enchaîne sans aucun accro. Admissible dès 2011 grâce au sans faute des cinq pistes du Team Me EP,  c’est donc les doigts dans le nez et sans surprises qu’ils rentrent en 2012 dans la cour des grands avec un 20/20 mention spéciale du jury pour l’exemplaire To the treetops.
 
Délicatement égrenés au synthé et à la guitare, les mélodies accrocheuses sont, dès la première écoute, imparables. Du riff sautillant de Come Down au refrain de Kennedy Street en passant par les savants arrangements de Weathervanes and chemicals rien n’est à jeter.   

   


Et là où, déluge de synthés et guillerettes mélodies aidant,  ils flirtent dangereusement avec le mielleux voire le pâteux, voilà que le sur-place  est évité par de sublimes pirouettes pop. Preuve à l’appui avec les ampoulés, mais non moins superbes Show Me et Patrick Wolf & Daniel Johns. Les violons artificielles se déchaînent, les voix de faussets batifolent gaiement dans un joyeux pot-pourri, assurément kitch mais tellement jouissif.


Patrick Wolf & Daniel Johns by Team Me on Grooveshark

Très bons musiciens, mélodistes hors pair, arrangeurs confirmés, ils manipulent également le jeu des émotions avec brio. La poignante et enchanteresse ballade Favorite Ghost s’immisce au plus profond  des tripes et distille un vague à l’âme funeste à se balancer du haut d’une falaise dans l’océan déchaîné. Les vénéneuses sirènes de l’Odyssée n’auraient certainement pas fait mieux.

Favorite Ghost by Team Me on Grooveshark


Bref, devant un tel dossier scolaire ce n’est pas une classe que l’on ferait sauter à Team me, mais une bonne dizaine. « Hein monsieur le proviseur ? Le début d’une belle et longue aventure vous dites??? » Sûrement…  D’autant plus que le crew scandinave ne semble pas dénué d’ambition. Il suffit de jeter un coup d’œil à l’onglet « bio » que l’on trouve sur leur page Facebook. Sous forme de recette du succès en cinq points. Et celle-ci ne demande qu’à être complétée :

1. Marius made some songs.
2. Some friends joined him.
3. They made an EP.
4. They made a CD.
5. They are now traveling around with yo-yo's and skies and having a really good time.
Simple et révolutionnaire… Il fallait juste y penser !


Et pourquoi ne pas imaginer, un de ces jours, voir des milliers de briquets s’allumer et onduler gracieusement au son de Me and the Moutain dans un stade de 100 000 places ? La relève est en marche on vous dit...
 

Me And The Mountain by Team Me on Grooveshark


vendredi 6 juillet 2012

Caesars : un groupe qui mérite ses lauriers !


Le succès est rarement l’ami de la musique. Lorsqu’il ne détruit pas la créativité, il l’occulte ! L’arbre du hit qui cache la forêt du talent est presque monnaie courante : Satisfaction a fait passer Out of Our Heads à la trappe, Victoria a tué Arthur, How Soon is Now a assommé Meat is Murder, et beaucoup plus près de nous, Jerk it Out a assassiné un groupe entier : Caesars.





La ****** de pomme a décidé de consacrer une chanson, et a donc élevé sur un piédestal une chanson jugée bonne par un quidam du service communication de la nébuleuse de la vallée siliconée. Rien avant, rien après, peu importe qu’il s’agisse d’un extrait du cinquième album d’un groupe (composé d’être humains), que ce groupe vienne de Suède, qu’il ait une histoire et qu’il ait produit une pop remarquable depuis 1998. Notre esprit déjà engourdi par le sordide envoûtement publicitaire ne peut même pas y penser. Le single englué dans l’imaginaire du produit devient « de » la musique, simple échantillon par défaut perdu au sein d’une froide bibliothèque numérique. La postérité s’en rappellera sinistrement comme la BO d’une expansion d’un résultat net. Ipod, SSX3, FIFA 2004 sont de jolis noms de mécènes. Le groupe, par soif de reconnaissance, n’a pas pu mordre la main qui nourrissait.

Spirit by Caesars on Grooveshark

PaperTigers, sorti en 2005, recèle treize sortes de Jerk It Out. Ce qu’on appelle habituellement de la pop lumineuse, voire grandiloquente. Le quintette a surfé sur les mêmes eaux inspirées que Peter, Björn and John, qui d’ailleurs ont souffert de la même maladie avec un Young Folks diffusé dans les supermarchés. Ces eaux sont relativement britanniques, comme le prouve d’emblée l’époustouflante introduction proposée par Spirit. L’attaque auditive se poursuit instantanément par le tube urbano-philosophique It’s Not The Fall That Hurts ; le style est là : guitares vintage sursaturées, voix superposées criblées d’écho, batterie sixties, ou l'attirail du proto-hipster fâché de n'avoir pas pu connaître les débuts des Beatles.


La route se poursuit avec énergie tout au long de Out There, de May The Rain avec sa ligne d’orgue survoltée ou encore de My Heart is Breaking Down, qui malgré son titre est du même positivisme que la tonalité générale. Le morceau éponyme est très grand, immortel sans doute, et vaut tous les Wonderwall du monde. César Vidal se donne les moyens de ses ambitions en insufflant sans cesse et à chaque morceau une âme british, libérée de tout carcan technico-commercial, toujours fraîche et jamais léchée, pouvant voler très haut dans le ciel de l'inspiration.


We Got To Leave by Caesars on Grooveshark 



Le disque continue son chemin ensoleillé jusqu’au scintillement plus mélancolique de Winter Song et au fabuleux We Got To Leave, qui enlèvera tout espoir de répit à l’oscilloscope de votre ampli. Good and gone conclut l’opus aussi brillamment qu’il avait débuté, laissant l’auditeur au bout de trois minutes face à un silence assommant, mais rempli de bribes de mélodies imprimées dans le désordre au creux des tympans. Est rendu à César ce qui est appartient à César.

Soulchaser by Caesars on Grooveshark

N.B : la musique de Caesars est supportée par toutes les marques de baladeurs, peut s’écouter sans animation designée et peut évoquer autre chose qu’un désir consumériste effréné. La discographie est faite du même bois que Paper Tigers et se consulte ici.