mardi 31 janvier 2012

Hypernova, la force tranquille de la New Wave



Bien loin des cuissots blingbling des joueurs de ballon rond, des beaux bébés armoires à glace de la baballe ovale et des carrures et postures de bien d’autres disciplines sportives,  Il est des athlètes qui font bien peu de vagues mais qui pourtant n’ont pas moins de mérite… Les coureurs de fond ! Pas super costauds à première vue, la silhouette sèche et filiforme, le regard triste et hagard, ils avalent les kilomètres nonchalamment, en claudiquant de manière disgracieuse à une allure qui n’a pas de quoi faire retourner le badaud. Et quand, enfin,  ils pénètrent dans le stade pour le tour final, infime moment de gloire à l’échelle de la souffrance de leur chemin de croix sur le bitume, c’est limite si le service de sécurité ne se fourvoie pas en les empêchant de rentrer tant leur profil est en décalage avec l’image d’Epinal du sportif.

Rapportée à la musique, la métaphore sportive fonctionne plutôt bien pour qualifier Hypernova, groupe de rock à tendance New Wave iranien. A première vue cette formation ne paye pas vraiment de mine et délaye des compos minimalistes plutôt austères. Mais il suffit de s’attarder un peu plus longtemps que le voudrait la zapping attitude contemporaine sur ce groupe de forçats des décibels pour percevoir la magie qui s’en dégage. Volonté de fer, puissance, abnégation et endurance musicale ont amené ces cinq  garçons des sombres caves de Téhéran aux, non moins parsemées d’embûches, routes des US.



Formé en Iran dans les 90’s, exilé dans les années 2000 au Texas, puis à New York, la maturation d’Hypernova dure près de 20 ans jusqu’à la sortie en 2010 de leur premier « vrai » album. Celui-ci, Through the chaos, à l’image de son single Lost in Space est exemplaire de maturité et de tempérance. Il semble être calibré pour ne surtout pas exploser en vol, tel un compétiteur trop gourmand qui aurait voulu grignoter les centièmes en trop que son corps ne pouvait  supporter. Pas d’envolées lyriques superflues, des mélodies simples mais diablement efficaces déroulées sans accros, le tout  sur un tempo caractéristique que l’on ne perçoit pas au premier abord mais qui s’avère être d’une solidité remarquable et ne faiblit à aucun moment. Leur sujet est parfaitement maîtrisé et au moment où d’autres, aveuglés par la sensation grisante lorsque la sauce semble prendre de manière naturelle, n’auraient pas résisté à la tentation de rouler des mécaniques en s’aventurant dans de fantaisistes digressions, Hypernova se contente de rester fidèle à sa ligne directrice. C’est ainsi sur la longueur que Through the chaos s’avère gagnant et cohérent. Une franche réussite ! Et tout cela à la régulière, sans aucun coup de bluff ...



En parfait professionnels ils balancent comme ouverture Universal, qui imprime un rythme soutenu et fait office de tour de chauffe idéal. Les muscles encore froids se contractent progressivement dès l’intro, les articulations se délient petit à petit au fur et à mesure que la batterie rentre en jeu, le souffle se place peu à peu jusqu’à trouver son optimum à partir du solo de gratte, bingo c’est gagné, voilà la machine Hypernova lancée à plein régime au dernier chorus!




C’est maintenant avec Viva la Resistance que les choses sérieuses commencent vraiment. La chanson, tube impeccable, file avec l’assurance d’un Hussein Bold à moins de trois mètres de la ligne d’arrivée et qui vient distancer ses pâles adversaires en trois quatre élégantes foulées, un sourire charmeur aux lèvres. L’occasion aussi d’élucider une fois pour toute la question « Mais au fait, pourquoi les types d’Hypernova courent-ils ainsi comme des dératés ? » Et bien tout comme leurs compatriotes Take it Easy Hospital chroniqués ici précédemment ou The Yellow Dogs, ils constituent l’avant-garde en exil d’une scène rock iranienne décriée et poursuivie comme le cholera par le régime des mollah. Et ainsi lorsqu’ ils assènent dans le refrain «I will not bow down to your God / This is not who I am / I will not give in to your lies / This is not who I am / Your theocratic neo-fascist ideology / Is only getting in the way of my biology / Your book says no! But my body wants more! / Oh lord won't help me I’ve lost control »,  il ne s’agit vraisemblablement pas d’une chansonnette d’amour fleur bleue pour ados avachis ni d’une gentille berceuse issue des contes du Père Castor…  Un engagement qui vaut sûrement quelques gouttes de sueur.

Hypernova n’est pas le genre à se bourrer de stéroïdes et autres cochonneries de synthèse. Ainsi pour arriver au bout du parcours sans encombres, il est bien nécessaire de relâcher intelligemment la pression à mi parcours. Le salutaire Here and now arrive à point nommé, et c’est idéal pour apprécier la voix de stentor de Raam, le chanteur, ici portée par une superbe et mélancolique mélodie.

Here And Now by Hypernova on Grooveshark

Assez traîné ! La pause ravitaillement est terminée et le sprint final se rapproche. Il est temps maintenant de tout donner. C’est dans ces moments là, où les jambes ne suivent plus, où la vision se trouble et quand le corps n’est plus qu’une gigantesque soupape qui fait circuler le sang de haut en bas à une cadence effrénée, que la force du mental prend tout son sens. Avec Fairy tell le podomètre s’affole… La chanson est un brûlot d’obédience grunge avec pour paroxysme le bref déchirement ultra saturé provenant des tréfonds de l’humanité à 02:15. Le corps n’est que souffrance mais il faut continuer à avancer. Juste mettre un pied devant l’autre, c’est tout…  Une course n’est jamais gagnée d’avance.Dernières incertitudes ainsi avec Monster in Me mais à la détermination du refrain on peut sentir que la fin de l’épreuve de force se rapproche. 



Monster In Me by Hypernova on Grooveshark

Et voilà enfin pour terminer See the future, relâchement extrême …  Mission accomplie, et avec brio qui plus est. C’est effectivement le moment de se tourner vers un futur qui après une telle prestation s’annonce des plus prometteurs.  Et après les plus illustres formations de la galaxie New Wave de Joy Division aux Cure en passant par New Order et autres InterpolHypernova s’en sort plus qu’honorablement pour une grande première dans la cour des grands !

See The Future by Hypernova on Grooveshark




Last but not least, plutôt que de se perdre en conjectures en forme de queue de poisson vaseuse, voici pour conclure l’article en bonus leur quatre nouvelles pistes flamboyantes issues de leur nouveau Exit Strategy EP (2011) en téléchargement gratuit. Sympa les mecs! A l’image de Children of Gemini ou Reason Unknown ça claque toujours autant. Contrairement à ses consœurs interstellaires, Hypernova n’est pas près de rendre l’âme … 






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