mercredi 26 septembre 2012

Il n’y a de divin que le jazz et Avishai (Cohen) est son prophète !


Mais qui est donc Avishai Cohen ? Selon la bio officielle, trouvée en trois clics sur Wikipedia & Cie, ce jeune prodige de la « cinq cordes » qui affole les journalistes musicaux spécialistes es jazz, est né il y a quelques 42 printemps dans un kibboutz du nord d’Israël. Mais on ne nous la fait pas à nous celle-là ! Comment l’être à l’origine du si parfait et intimidant météore musical Continuo, directement tombé des étoiles le 23 mai 2006, pourrait-il avoir à peine moins d’un demi siècle ??? Bon ok, un certain barbu de Nazareth avait 33 ans le jour où il s’est amusé à faire de l’équilibrisme sur deux bouts de bois et qu’il en est entré dans l’histoire. Mais à l’époque  ce garçon là était over-pistonné ! Avec sa filiation vous me direz… Alors que du côté d’Avishai, mis à part quelques vagues zicos pas grand-chose à retenir de l’arbre généalogique à moitié déraciné du bonhomme. Pas même un petit prix Nobel de littérature, ni même un prophète de 3ème division…  C’est un coup à se convertir à l’hindouisme dare-dare. Parce qu’avec le concept de réincarnation on pourrait trouver pas mal de réponses au mystère de cet OVNI musical millénaire. 

Entre jazz, pop, sonorités classiques, musique orientalisante et même rock, le disque semble faire un impossible grand écart à travers les continents, les époques et les genres… Et tout cela sans risquer la moindre luxation musculaire ! Le chaînon manquant musical qui permettrait à tous de se tenir par la main en dansant et en riant ? Who knows… 




Quoi qu’il en soit au moment de la parution de ce petit bijou sonore (2006)  Avishai Cohen n’en est pas à son premier miracle. Le musicien prodigue a déjà publié six albums plus qu’honnêtes sous son nom et a participé à de nombreux enregistrements live et studios pour des musiciens jazz de renom, dont Chick Corea, son mentor. 

Mais avec Continuo, disque exclusivement instrumental,  les mélodies et les rythmes du trio s’imbriquent à la perfection les uns dans les autres ; une sainte trinité sacré : Au nom de la basse, du piano et de la batterie, Amen… Ainsi, c’est comme si la chaude contrebasse d’Avishai,   le clavier sautillant de Sam Barsh, et les parties de percussion élastiques de Mark Guiliana constituaient les différents encéphales d’un unique et même cerveau. Chacun va remplir un rôle bien précis, mais tous seront parfaitement coordonnés au service d’un chef d’œuvre de mécanique cérébrale à l’origine de l’étincelle de la vie. Et plus que de la vie c’est de mélodie et de groove dont il est question ici ! Sur un titre comme Smash on se demande vraiment si Flea le bassiste des Red Hot Chili Peppers ne se serait pas tapé l’incruste dans le studio d’enregistrement, tant les plans développés lorgnent vers des trames outrancièrement funky !

Mais le talent de compositeur et d’arrangeur du leader, la parfaite exécution des deux autres musiciens et leur aptitude  à coordonner l’ensemble, ne suffiraient pas à expliquer la singularité de Continuo dans la foisonnante discographie d’Avishai. L’histoire musicale est truffée de compositeurs n’hésitant pas à stimuler leur encéphale à grandes bouffées d’opiums, alcool,  LSD, marijuana, ecsta et autres substances pas vraiment recommandables. Et bien ici le bouillonnant cerveau va aussi avoir recourt à un puissant stimulant qui, tout au long du disque  soulève des nuages étouffants de sable brûlant et imprègne ses moindres recoins d’une inimitable odeur de Méditerranée et d’Orient : le joueur d'oud Amos Hoffman, également israélien. Dès l’ouverture de Nu Nu son jeu évanescent marque l’opus de ses sonorités millénaires.




Nu Nu opère une parfaite synthèse de l’ensemble. Changements de rythmes incessants, successions de phrasés musicaux beaucoup plus complexes qu’ils n'en ont l’air à première vue et inextricables enchevêtrements d’instruments. La contrebasse claque, grince et ronfle avec la brutalité et l’intransigeance de celui qui sait que les autres savent qu’il est LE boss. Mais ce n’est pas cela qui va empêcher les nombreuses réactions d’orgueil qui truffent les parties des deux fortes têtes au service du maestro. Alors que le piano tente de prendre le contrôle de pas mal de morceaux (Samuel, Elli, Calm, Arava),  la batterie quant à elle part régulièrement dans de frénétiques et bruitistes démonstrations de force bien trop impertinentes pour un album estampillé de la sérieuse labellisation « Jazz music ». Mention spécial du jury au solo de batterie d’Emotional Storm dont on se demande très sérieusement si Mark n’aurait pas discrètement refilé ses baguettes à Shiva (dieu hindou pouvant avoir jusqu’à dix bras) pour l’occasion !
  



Parfaite BO d’un film qui n’a jamais vu le jour, les pistes ne demandent qu’à habiller de grands moments du 7ème art. La scène d’introspection d’un vieillard qui pose sur sa vie un regard lucide, nostalgique et sans concession au crépuscule de sa longue existence magnifiée pour le nostalgique thème de piano d’Elli ? Et si One For Mark servait à renforcer la détermination d’un jeune premier enfin prêt à retourner des montagnes pour la belle à laquelle il est sur le point de déclarer sa flamme ? Et quoi d’autre qu’une bonne vieille baston pour l’explosive intro de Smash ? A moins qu’une chevauchée solitaire vers l’infini ne convienne mieux au thème inlassablement répété ? …

Elli by Avishai Cohen on Grooveshark
One for Mark by Avisahi Cohen on Grooveshark

Pour le reste, de Ani Maamin à Continuo en passant par Samuel ou Emotional storm l’économie de mots serait plutôt de rigueur. Musique inqualifiable et introspective, elle saura se frayer sans mal un chemin dans les synapses de chacun et y trouver un petit coin où s’y lover délicatement … et pour longtemps. Et là ou l’âme est en pleine conversation avec émotions et sensations, pas besoin de maîtriser la marche dans les terrains glissants du solfège et de la musicologie pour apprécier les joyaux qui composent le disque (Ce qui n’empêchera pas bien sûr une deuxième lecture plus cérébrale et technique pour les érudits de la Blue Note).


Flash Spécial live: Et pour les petits curieux hexagonaux, Avishai Cohen sera en pleine opération messianique de conversion et de séduction du public  parisien le 20 octobre prochain, pour un concert exclusif  au Café de la Danse ! Il s’agira à cette occasion de défendre son tout nouvel album Duende, de facture beaucoup plus classique que Continuo, mais tout de même de très bonne tenue.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire