mercredi 29 février 2012

The Awesomest Song(s) Of The Week (XIV) : Le math rock de Gallops



Paresseux de tous poils, cancres du dernier rang, militants indécrottables de la décroissance, poètes ratés qui gratouillez mollement quelques vers au crochet de la nation, vous tous qui suivez religieusement les mantras de votre Saint Patron, Gaston Lagaffe, tremblez ! En cette triste époque de rationalisation universelle, plus question d’être un poids mort pour la société.  Même le  refuge de la musique ne vous sera bientôt plus autorisé…   En effet, des agents doubles du Pays de Galles à la solde de l’ultralibéralisme se sont infiltrés dans la bohème artistique locale pour attaquer les racines de la fainéantise à sa base ; nom de code : Gallops. Plus question de bailler aux corneilles affalé  dans un canap défoncé en savourant le sirupeux flow d’un Bob Marley arraché, ni de lever le poing porté par un hymne des Clash en quête d’un monde meilleur où tout le monde se prendrait par la main pour entonner en chœur All You Need is Love… Ils ont adapté les édifiantes théories de la rationalisation scientifique du travail à la chansonnette ! Le taylorisme musical est dès lors à porté d’oreilles. Et nous on adhère sans conditions.




Plus bête et méchant que la musique ultrasymétrique des Battles ou de Three Trapped Tigers,  le math rock de Gallops s’articule autour de lourdes boucles rythmiques, de riffs de guitares musclés et de synthés implacablement saturés. Edifiant exemple que l’industriel Miami Spider. Voilà du rock joué comme de l’électro minimale… Ah moins que ce ne soit plutôt de l’électro minimale jouée comme du rock, on ne sait plus trop tant ces austères nouveaux venus prennent un vicieux plaisir à brouiller les pistes.

Préparez-vous à affronter la froide et implacable logique de cet univers parallèle austère dont la fantaisie est l’ennemi absolu. Pas de place pour la moindre fioriture ici. Efficacité, austérité, solidité pourraient constituer la devise rationaliste de ces tristes sirs. Comme si chaque morceau était un imposant édifice à bâtir, La moindre note jouée va avoir son importance dans les rouages de cette monumentale machine-outil. Et si l’on en retire une seule, la cohérence architecturale de l’ensemble devient immédiatement branlante et l’entreprise en perd toute sa cohérence. Les quelques pistes existantes sont exclusivement instrumentales, ce qui renforce l’aspect déshumanisé qui se dégage de ce mystérieux combo gallois.




En tout et pour, tout six chansons ont déjà vu le jour à l’occasion de la sortie de leur EP sobrement intitulé Gallops EP en 2010. Depuis, deux nouvelles pistes ont été publiées en 2011. Ne vous laissez pas bercer par les 45 premieres secondes de Oh the manatee. La rythmique indolente ne sera bientôt qu’un lointain souvenir. Dès l’ouverture, ce premier morceau de ce premier EP donne l’impression bluffante que Gallops est une machine de haute précision réglée au millimètre près et parfaitement huilée. Dans la fameuse chanson pour enfant, le dada va au pas puis au trop avant de passer au gallop tant attendu par tous. Ici pas de préambules superflus, fi de la situation initiale du sacro-saint schéma narratif classique… Le vif du sujet c’est pour tout de suite ; impressionnante entrée en matière, que Sonderhof, piste suivante, ne va pas décevoir.

Sonderhof by Gallops on Grooveshark

La batterie martèle comme une armée de marteaux-piqueurs parfaitement disciplinée, les synthés vibrent tels une bétonneuse à plein régime. Les guitares n’ont plus qu’à terrasser le tout. . . . Dès lors les riffs arithmétiques se succèdent toujours plus puissants avec Defbox et Miami Spider.

Mais la rigueur a du bon. En cette époque de grande incertitude, dur dur de présager ce que l’avenir nous réserve. Voilà donc avec ce seul premier EP des fondations en acier trempé qui pourraient permettre à tout  supergroupe de résister à n'importe quelle catastrophe naturelle lambda et tant qu’on y est pourquoi pas même à la déflagration d’une attaque atomique. Espérons toutefois que l’effort passé à peaufiner ces fondations sera bien prolongé par la construction d’un vrai chef d’œuvre musical …




lundi 27 février 2012

On l'écoute et on l'assume (VII) : la 8bitrock d'EscapeHawaii



La plupart des espèces vivantes s’adaptent en fonction de la modification de leur environnement. Parfois certaines s’égarent, adoptent une morphologie incongrue qui les fait disparaître. Race endémique bavaroise, n'ayant quasiment jamais quitté les environs de Nürnberg, EscapeHawaii – Bernd Haas en allemand – dont les aberrations génétiques ont eu raison de sa survivance, est une curiosité, un taxon rarissime qui rejoignit en 2009 la triste liste des dodos, des minitels et du Concorde. 



C’est le flux continu d’innovations musicales qui a engendré cette chimère 8bitpop rock teutonique. Paroles mi-anglaises mi-allemandes, criées avec hâte, toujours sur la brèche entre mélodie et rage ; instrumentation 8bit soutenues par des boîtes à rythmes grasses et pesantes ; esthétique sonore sombre et incisive. Si l’insularité crée des isolats biologiques d’une extrême fragilité, ici ce sont les invasions répétées de courants nordiques qui, à l’approche des Alpes, ont créé cet épiphénomène qui fond le rock dans l’électronique kitsch, pour le recouvrir de phrasés punk (Bitte sag mir jetzt sofort, was läuft falsch in dieser Stadt”, soit "Dites-moi s'il vous plaît ce qui ne va pas dans cette ville"). La 8bitpop, c’est pas que de la gaudriole ; écoutez What a nice collection, on est loin de la bubblegum pop décérébrée. 


Il n’y a pas de place sur cette Terre entre la Nintendocore de Crystal Castles et les arcs-en-ciel numériques de Freezepop. La place est trop étroite, les liaisons sont trop audacieuses, les contradictions trop fortes. Après un seul album, It’s The Plastic In Your Eyes That Lies, publié sous le microlabel Musikfladen , Escapehawaii est mort en 2009 dans les abattoirs de Wiesbaden, des suites de son inadaptation spatiale et temporelle. Mais un petit frère est né à Oakville dans l’Ontario, il s’appelle J. ArthurKeenes et est, aussi loin que nous le sachions, vivant. Se rattachant à des branches plus mélancoliques, ses chances de survie sont peut-être plus élevées, et il préservera on l’espère ce microscopique écosystème dans un souci primordial de musicodiversité.


mardi 21 février 2012

On écoute et on assume (VI) ! : La Fight Pop bruitiste de Dananananaykroyd



En manque de sensations fortes ? Un petit trip hors norme, ça vous tente ????? Mieux que l’ecsta, l’héro, la coco, les champis, le LSD,  la kroco et toute autre substance prohibée, tentez une petite dose de Dananananaykroyd ! Pas besoin de seringue rouillée, de cuillère tordue ou de sac en plastique et les stups vous laisserons en paix. Le shoot se prend tranquillement affalé dans un fauteuil, une chaine hifi digne de ce nom à proximité immédiate… Facile. Mais attention aux effets sur vos fragiles neurones, et ne soyez pas trop gourmands, évitez  la surdose. Ce concentré d’énergie pourra en effet au premier abord en rebuter certain et devenir assez vite éreintant pour l’ensemble de nos pauvres petites terminaisons nerveuses sans défenses. Préparer vous à passer vos sens à la moulinette avec un groupe UK haut en couleurs qui n'est pas sans rappeler le math rock perfectionniste de leurs compatriotes de Three Trapped Tigers ou les néo-zélandais surexcités de So So Modern, déjà chroniqués sur ce blog.

Bodies Like Holes by Dananananaykroyd on Grooveshark

Comment ne pas être désarçonné par  la musique de ces quatre écossais de Glasgow? Mélodies pop, guitares rock, batterie punk, hurlements métal…  Dananananaykroyd lorgne vers tout ces styles à la fois sans vraiment se rattacher à un seul d'entre eux au final.  A l’image de l’ouverture du second album, Bodie like holes, ça commence tranquillement, comme tout bon petit groupe de rock british qui se respecte : un riff sautillant, une gentille mélodie accrocheuse, un niveau de saturation qui a du peps dans la limite acceptable des bonnes mœurs ; mais pourtant dès le début il y a bien un petit quelque chose de pas très net : écoutez la batterie, la partie rythmique est bien trop survitaminée pour être honnête (Comme si Travis Barker de Blink 182 s’était retrouvé à faire péter les doubles croches syncopées dans un morceau minimaliste des White Stripes…  Plutôt incongru) ;  et là sans crier gare voila le sympathique carrousel  un peu élimé mais toujours aussi  attachant de la british pop qui s’emballe à une vitesse folle ; nous voila partis dans un tour vicieux de montagnes russes  sans barre de sécurité. 
Ce délicieux cauchemar sonore tient autant de l’artefact des Klaxons sous acide, que d'un hypothétique clone pop du chantre du mouvement hardcore, Black Flag, mais en omettant le coté Straight Hedge de la démarche…  Bienvenue dans l’univers déjanté de la « Fight Pop », néologisme très à propos créé pour l’occasion par les membres du groupe.  Et lorsqu’ils déclarent à l’occasion d’une interview une phrase super bateau  (« Nous sommes six personnes essayant de faire parler nos cœurs à travers nos instruments ») que des centaines de musiciens auraient également pu prononcer, poussés par l’équipe marketing avisée d’un label respectable, on serait plutôt tenté de croire à leur sincérité. D'autant plus lorsque l'on apprend que la tension est telle durant leurs concerts que bon nombre desdits instruments se retrouvent fréquemment réduis en miette. Cerise aux amphétes sur le gâteau, une anecdote rapporte que l'un des musicien s'est même retrouvé aux urgences au bout de trois chansons après s'être blessé en se trémoussant de manière un peu trop frénétique sur la scène ...  Des puristes !

Hey James by Dananananaykroyd on Grooveshark

Après un tour de chauffe réussi avec Hey Everyone ! ,  premier album en 2009 et une prometteuse chanson Hey James qui se distingue déjà par la douloureuse performance vocale du gosier de la bande, c’est en 2011 que paraît There Is A Way, deuxième opus diablement efficace truffé de brûlots bruitistes explosifs.  Think & Feel est une magistrale mise en pratique de cette folie salvatrice. Un riff épileptique rugit implacable et impeccable  tandis que des voix hallucinées fusent de toute part. Et pas moyen de demander grâce, le tout ne faiblit pas une seule seconde jusqu'à la bouillie sonore du finish où l’on semble même discerner quelques lignes de saxo sous acide.


Reboot, All us authorE numbers ou Muscle Memory sont autant d’épreuves de force ou autodérision décapante, émotions à fleur de peau  et très forte rigueur musicale s’articulent pour mettre à jour dans une certaine douleur des morceaux fascinants. On savourera également leur sens de l'humour avec le clip très bien senti de Muscle Memory.






Mais comme pour toute prise de stupéfiant, la descente s’avère difficile à gérer. C’est ainsi à titre posthume qu’il faut parler de Dananananaykroyd, fraîchement séparé après un dernier live le 12 novembre 2O11. Pauvres accros que vous êtes désormais, il ne vous reste plus qu’à gratter jusqu’à la moelle les vestiges qui constituent les deux albums fulgurants… Et pas une cure de désintox ne pourra vous en sortir ! 





jeudi 16 février 2012

YETI : Le secret pop le mieux gardé du Royaume-Uni !



Depuis des générations toutes sortes d’explorateurs plus ou moins recommandables sillonnent les zones les plus inaccessibles et inhospitalières du globe à la recherche du mystérieux  Yéti…  sans succès. Ce farceur himalayen et ses nombreux cousins, Big foot, Sasquatch, Barmani, tous aussi facétieux, prennent un malin plaisir à jouer à cache-cache avec les dizaines d’expéditions, à chaque fois revenues bredouilles ; seul notre bon vieux Tintin l’a croisé, mais qui ferait confiance à un type aussi mytho qui prétend également avoir supplanté Neil Armstrong sur la lune, échappé à une éruption volcanique grâce à l’aide providentielle d’une soucoupe volante ou visité d’étranges localités qu’aucune carte n’a jamais recensées... Même dans les pires tabloïds le Yéti est passé de mode…  Et pour cause, plus personne n’y croit à cette histoire de bébête poilue et misanthrope ! 


Et pourtant pour le trouver, rien de plus simple. Un billet d’Eurostar suffit !  Arrivé à Saint Pancras prendre le Tube jusqu’à Camden et rentrer dans le premier disquaire venu… Le chaînon manquant se cachera à coup sûr dans les bacs à disques bien au chaud, protégé par la jaquette bleu étoilée du disque au titre plutôt inspiré : «The Legend of Yeti Gonzales ». Mais ici pas question de poils crasseux ni de quenottes fétides et surdimensionnées. Le yéti du XXIème siècle a subi un joli petit relooking. Il s’agit en fait d’un groupe classieux de pop rock mélodique estampillé du label de qualité Moshi Moshi Records et qui fait office, avec son unique album, de parfait trait d’union entre la pop bénie des dieux du Swinging London et ses turbulents et dégénérés rejetons  garages rock des 2000’s.  



Le miracle musical de Yeti existe bel et bien, lui. Comment une telle merveille a-t-elle pu passer inaperçue ? Voila le vrai mystère. Façonné dans la plus pure tradition de la pop british The Legend of Yeti Gonzales constitue un travail admirablement ciselé que  le leader, John Hassal, et ses compères ont publié dans l’indifférence (presque) générale en 2008.  Avec des pépites d’harmonies comme In like with you l’on jurerait qu’il a la maturité des plus grand crus des années 60. Géniales faussaires ces zigotos brouillent les pistes tout au long du disque et résultat, pas moyen de les comparer à leurs contemporains…

On est loin d’un opus de Franz Ferdinand, des Artic Monkeys ou même des Babyshambles. Nous voilà obligé de sortir l’artillerie lourde. Mettre ces petits nouveaux dans la même cour que les Rolling Stones en mode 60’s, les Kinks, et même LES BEATLES (l’écrire en minuscule serait un affront…) ?  Face à un tel arsenal de groupes de destruction massive on pourrait craindre que ces pauvres blancs becs ne se ridiculisent littéralement. Mais que nenni,  âmes sensibles vous pouvez rouvrir les yeux (et surtout les oreilles), pas une goutte de sang n’a coulé et aucune trace de carnage en vue. Yéti tient magnifiquement la route. L’ensemble des quatorze pistes de l’album renferment le petit supplément de divin qui nous pousse encore aujourd’hui à réécouter en boucle le Arthur de Ray Davis et cie ou les joyaux de la couronne du Double Blanc de leurs sérénissimes absolues majestés the Beatles. A l’écoute de Can’t pretend on s’y croirait !

Can't Pretend by Yeti on Grooveshark

Il suffit également de savourer Til the week end come ci-dessus pour s’en rendre compte. Dans cet exercice de style impeccable, les arrangements vocaux tarabiscotés et les parties de guitares chevaleresques ont bien évidemment  la part belle. Pourtant sophistication rime avec simplicité. Merry go round, ballade tantôt mélancolique, tantôt guillerette, poursuit le coup de bluff. Ici le sujet est parfaitement maîtrisé, voire même dépoussiéré !

Till The Weekend Comes by Yeti on Grooveshark


Pourtant c’est à l’écoute de the last time you go, de Don’t go back to the one you love ou de Midnight flight, au détour d’un riff un peu trop crasseux ou d’une envolée vocale pas très 68’s que l’on peut déceler les véritables ascendances de ce sacré John Hassal. Maintenant prenez un album des Libertines qui, à coup sûr, traîne sur une de vos étagères, farfouillez dans la jaquette et là … bingo !!! Le voila qui squatte les crédits en tant que membre à part entière !  C’était bien lui le bassiste, seul musicien de l’éphémère supergroupe de garage étoile filante dont personne de se rappelle jamais du patronyme ! Ce petit blondinet, en apparence insignifiant au coté des tabloïdesques Carl Barat et Pete Doherty, qui faisait tranquillement son job au milieu du tumulte hystérique du rouleau compresseur Libertines, cachait plutôt bien son jeu…


Et lorsqu' il déclame avec ferveur Never lose your sens of wonder dans la magnifique chanson du même nom qui n’est pas pris d’un besoins irrésistible de leur hurler un « oh yeeeeeeeah ! »  hystérico-nostalgique extatique de circonstance !

Never Lose Your Sense Of Wonder by Yeti on Grooveshark






mardi 14 février 2012

On l'écoute et on assume ! (V) : le hip-hop jazz d'Apani B


Nouvel exercice : chroniquer un artiste de hip-hop. Très difficile et sûrement foiré, mais tenté ! « On l’assume » est exagéré, évidemment qu’on l’assume. Comment résister à Apani B, rappeuse du Quenns, qui débuta en 1996 dans le collectif Polyrythm Addicts, où elle excella dans « Rhyme Related », émoussant la rugosité urbaine par un flow délicat, à la limite de la fragilité, qui à l’instar du diamant coupe autant qu’elle se casse facilement.





Let Me Watch est une collaboration avec MF Doom, rappeur masqué qui pour le disque prend le nom de Viktor Vaughn. Rappeur qui invite Apani sur son disque pour prendre un râteau en chanson, sous la forme d’un dialogue entre Viktor, l’homme trop pressant, et Nikki, la fille indécise. Drague, faux pas puis insultes et repentance, sur un fond instrumental sublime, mêlant ligne de guitare électrique, légères touches de piano et basse ronflante. De l’orfèvrerie.






Let Me Know, un an plus tard, est également une collaboration, mais pas vocale cette fois-ci. Le morceau fait partie d’une compilation d’un DJ de Cergy-Pontoise - Dela - appelée Atmosphere Airlines. Instrumentale à la Nujabes, rappelant un peu le hip-hop jazz East Coast de Blessing It , Apani est nettement plus énervée, déblatérant toutes ses opinions sur les dérives du rap et le rôle qu’il arrive à faire jouer aux femmes qui s’y collent. Evoluer entre le statut de pute et de garçon manqué, comme SpeechDebelle, est semble-t-il un exercice périlleux, et qui se paye en manque à gagner. Allez donc écouter Story 2 Tell par ici.


mardi 7 février 2012

The Awesomest Song Of The Week ( XIII) : Oho : Free to flee




Oho ? Kesako ??? Derrière cette appellation qui a clairement un petit quelque chose d’H2O se cache une petite goutte de mystérieux nectar bien fragile mais bourré de talent et de sensibilité.   C’est encore imperceptible, embryonnaire, protozoaire…  Mais indéniablement l’ADN de ce nouveau venu musical parisien s’en est plutôt bien sorti ; si la mère semble être la douce Laura Veirs, rien n’est moins sur pour le père qui pourrait aussi bien avoir été engendré par les boucles des new yorkais  précieux de Ratatat que par le folk ouvragé des rosbeefs de Tunng. C’est pop, c’est jazzy, c’est électro et… bah, c’est du très beau boulot ! Maintenant, comment une simple goutte d’eau pourrait-t-elle s’en sortir à l’échelle de l’océan bouillonnant et saumâtre qui constitue le territoire sans pitié de la zicosphère ?




 Malgré sa pureté et la perfection de son galbe elle risque fort de se retrouver diluée, souillée, vidée de toute sa substance au contact de la rude concurrence du marché de la musique sur le net… Et s’ il y a bien un endroit où les  lois de la concurrence pure et parfaite néolibérale trouvent tout leur  sens, c’est bien celui-ci. Comment faire face à des dizaines de milliers de nouveaux titres ajoutés en continu et accessibles en théorie en un clic par n’importe quel internaute ! Mission impossible pour ce nouveau venu si attachant ? Mais ne désespérons pas, il reste bien un espoir infime.  Prenons les stalactites et leurs consœurs en m, il s’agit bien d’une histoire de petite goutte !  Avec une bonne dose d’abnégation, de la patience et un bon coup de pot il reste toujours une chance d’être LA petite goutte qui se cristallisera pour l’éternité… Mais reprenons-nous, Oho n’est pas mort née et le meilleur peut encore lui arriver. Cette funeste entrée en matière n’empêchera pas d’apprécier l’harmonie et la maturité qui se dégage des six titres qui composent Land of the happy, la plutôt bien-nommée première démo du groupe.
Le titre Free to flee est une parfaite entrée en matière dans l’univers feutré et sophistiqué d’Aurore et de Paul, le noyau dur du projet. La rythmique, à force de bidouillages au synthé et à la guitare, est irrésistible. La boîte à rythme qui virevolte et les arrangements complexes n’ont rien à envier aux impériales rythmiques du LP4, dernier opus de Ratatat. La voix, quant à elle, fugace et profonde à la fois, se pose délicatement sur les  feuillages indéterminés de cette étrange et luxuriante jungle sonore, avant de reprendre son envol tel un hésitant papillon tropical. De superbes ponts instrumentaux ponctuent avec classe le morceau. Une vraie réussite.



Et voici Alone in Katmandu, autre curiosité zen, vraisemblablement ânonnée en partie en Hindi, l’occasion de dévoiler l’origine de cette belle histoire. C’est en effet au cours d’un séjour universitaire en terre indienne que les deux ventricules de Oho se sont rencontrés.  Et à l’écoute de l’album entier on ne peut que leur souhaiter de battre en rythme le plus longtemps possible !
Ainsi avec ce premier mini album la petite goutte Oho s’est déjà frayée de manière imperceptible un chemin dans une terre meuble, elle s’est joint à d’autres perles de rosée esseulées avant de jaillir à l’air libre, devenue maintenant une source purifiante et rafraîchissante. La route jusqu’à l’océan est encore longue, mais il y a de fortes chances pour que de simple état de ruisseau elle passe vite fait à celui de rivière puis de fleuve…  En tout cas on l’espère.





vendredi 3 février 2012

The Awesomest Song(s) of the Week (XII) : Envelopes vs. Gladeyes


La mondialisation de la culture musicale peut créer des similitudes inopinées, parfois séparées de 20.000 kilomètres. Voici deux groupes qu’a priori rien ne rapproche : Envelopes, collaboration franco-suédoise de lo-fi pop, et Gladeyes, groupe de folk néo-zélandais (rattaché au brillantissime label Lil’ Chief Records) peuvent être réunis pour mettre en lumière un pan sympathique de la musique actuelle: la Twee Pop . Et leur piètre notoriété ici les rend doublement intéressants ! 

Livrons-nous à la réunion de deux chansons absolument pas représentatives du reste des deux groupes, deux chansons qui marient pop et électronique, avec une extrême légèreté qui tend vers la naïveté. Deux morceaux qui naviguent entre joie et nostalgie, aux mélodies rodées, exprimant la même idée, inconsciemment. Hymnes de « Twee Pop », courant qui buzz plus avec Cults et Alex Winston qu’avec nos sujets d’aujourd’hui (assertion non péjorative pour les sus-cités). Sorte de pop sixties recyclée à la moulinette synthétique, s’affranchissant de la plupart des codes d’antan, n’en gardant que l’ « esprit ». 





Avec Put On Hold, Envelopes nous livre une ligne de basse sur-saturée, accélérée, triturée jusqu’à devenir purement électronique. La voix mutine d’Audrey Pic se pose par samples de vocoder sur l’instrumental d’un froid mathématique, agrémenté d’une  guitare acoustique qui humanise l’ensemble. La voix se double, se triple, enchaînant sur un refrain qui voit l’entrée d’un fracassement de fûts et d’un arpégiateur en surchauffe. La courte chanson se finit sur cette évolution bordélo-mélodique, ne laissant aucune chance à un épuisement d’idées.





Les Gladeyes, duo féminin d’Auckland formé dans une école d’art, ici en collaboration avec un certain Jimmy Payday, nous parlent de la « Psychose de l’Amour » dans une perle d’électro-pop. Lourde ligne de basse de synthé, flow désabusé à la Le Corps Mince de Françoise, recouvert de synthèses de flûtes et d’une curieuse reconstitution de clarinette. Minimalisme géré à merveille, sons veloutés et chauds, voici la seconde pierre angulaire de la Twee Pop.