Le succès est rarement l’ami de la musique. Lorsqu’il ne
détruit pas la créativité, il l’occulte ! L’arbre du hit qui cache la
forêt du talent est presque monnaie courante : Satisfaction a fait passer
Out of Our Heads à la trappe, Victoria a tué Arthur, How Soon is Now a assommé
Meat is Murder, et beaucoup plus près de nous, Jerk it Out a assassiné un
groupe entier : Caesars.
La ****** de pomme a décidé de consacrer une chanson, et a
donc élevé sur un piédestal une chanson jugée bonne par un quidam du service
communication de la nébuleuse de la vallée siliconée. Rien avant, rien après,
peu importe qu’il s’agisse d’un extrait du cinquième album d’un groupe (composé
d’être humains), que ce groupe vienne de Suède, qu’il ait une histoire et qu’il
ait produit une pop remarquable depuis 1998. Notre esprit déjà engourdi par le
sordide envoûtement publicitaire ne peut même pas y penser. Le single englué
dans l’imaginaire du produit devient « de » la musique, simple
échantillon par défaut perdu au sein d’une froide bibliothèque numérique. La
postérité s’en rappellera sinistrement comme la BO d’une expansion d’un
résultat net. Ipod, SSX3, FIFA 2004 sont de jolis noms de mécènes. Le groupe,
par soif de reconnaissance, n’a pas pu mordre la main qui nourrissait.
PaperTigers, sorti en 2005, recèle treize sortes de Jerk It Out. Ce qu’on appelle
habituellement de la pop lumineuse, voire grandiloquente. Le quintette a surfé
sur les mêmes eaux inspirées que Peter, Björn and John, qui d’ailleurs ont
souffert de la même maladie avec un Young Folks diffusé dans les supermarchés.
Ces eaux sont relativement britanniques, comme le prouve d’emblée l’époustouflante
introduction proposée par Spirit. L’attaque auditive se poursuit instantanément
par le tube urbano-philosophique It’s Not The Fall That Hurts ; le style
est là : guitares vintage sursaturées, voix superposées criblées d’écho,
batterie sixties, ou l'attirail du proto-hipster fâché de n'avoir pas pu connaître les débuts des Beatles.
La route
se poursuit avec énergie tout au long de Out There, de May The Rain avec sa
ligne d’orgue survoltée ou encore de My Heart is Breaking Down, qui malgré son
titre est du même positivisme que la tonalité générale. Le morceau éponyme est
très grand, immortel sans doute, et vaut tous les Wonderwall du monde. César
Vidal se donne les moyens de ses ambitions en insufflant sans cesse et à chaque
morceau une âme british, libérée de tout carcan technico-commercial, toujours
fraîche et jamais léchée, pouvant voler très haut dans le ciel de l'inspiration.
Le disque continue son chemin ensoleillé jusqu’au
scintillement plus mélancolique de Winter Song et au fabuleux We Got To Leave, qui
enlèvera tout espoir de répit à l’oscilloscope de votre ampli. Good and gone
conclut l’opus aussi brillamment qu’il avait débuté, laissant l’auditeur au
bout de trois minutes face à un silence assommant, mais rempli de bribes de
mélodies imprimées dans le désordre au creux des tympans. Est rendu à César ce qui est appartient à César.
N.B : la musique de Caesars est supportée par toutes
les marques de baladeurs, peut s’écouter sans animation designée et peut
évoquer autre chose qu’un désir consumériste effréné. La discographie est faite du même bois que Paper Tigers et se consulte ici.
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