mercredi 10 octobre 2012

Sarah W. Papsun : Première partie en or massif !



C’est bien connu, un train peut en cacher un autre… Et gare à l’imprudent un peu trop pressé !  Et bien le parallèle entre le monde ferroviaire et celui de la musique live est on ne peut plus pertinent,  quoi qu’il en paraisse à première vue.  Démonstration implacable et empirique en trois temps… (Ou, comment à tout moment une première partie inconnue portant le nom improbable d’une ancienne correspondante américaine peut débouler sans crier gare ! )

Situation initiale :

Jeudi 27 septembre 2012  tout hipster se respectant un tantinet se devait de faire acte de présence dans l’un de leur QG parisien, La Gaîté Lyrique. Le motif ? Le concert évènement de LA révélation hype 2012 : Breton.

 Dès la file d’attente voilà les plus beaux spécimens du cheptel qui patientent avec flegme en pavanant aimablement. Et à ce jeu, même les paons du parc de Bagatelle peuvent aller se remplumer direct, car ceux là sont imbattables pour faire la roue…  Tout le monde a sorti ses plus belles lunettes en plastique coloré, (dé)repassé son plus beau T-shirt déchiré/décalé, floqué d’une citation de Nietzche  en serbo-croate, rasé l’arrière de son crane et vérifié que la longueur de la mèche de devant leur obstruait bien toute visibilité à plus de 50 cm.  
Après  l’ascension du superbe escalier orange nous voilà directement au paradis : le foyer du vénérable Théâtre de La Gaîté, conservé par un furieux geste de postmodernité architecturale « dans son jus » au milieu d’un bâtiment tout de zinc et de plastique fluo tapissé. Et il faut bien avouer que le rinçage de gosier pré-concert prend ici une dimension toute aristocratique. C’est donc d’un pas nonchalant de circonstance que nous nous baladons maintenant dans la vaste pièce pour un fascinant safari socio-stylistique. Et quelle chance, les espèces les plus rares sont de sortie ! Nous croisons même au détour d’une superbe chemise à carreau le grand Günther Love, sa fière moustache et une partie de sa troupe de non-musiciens professionnels de choc (NDLR :les Airnadettes, 1ère comédie musicale de Air Guitar) ! Non, mais vraiment cet endroit est fascinant… Et ce qui devait arriver arriva ! Dans la béatitude extatique dans laquelle nous plongeaient cette gravure de mode vivante et les effets de la bière nous avions complètement loupé le début du show…La base de toute attitude branchée consistant à arriver en retard d’un air affable et détaché, nous ne pouvions pas nous calquer sur nos congénères de déambulation.

Panique à bord donc, et en moins de temps qu’il faut à notre pote Gunther pour accorder sa gratte imaginaire nous voilà dans le cube argenté, au cœur du saint des saints…

Elément perturbateur :

Stupeur et tremblement ! Un groupe est déjà sur scène en train de martyriser sans la moindre compassion ses instruments à grand coup de bras, doigts et pieds. Les sauvageons balancent, visiblement sans le moindre effort, une tempête sonore décoiffante. L’affolement est à son comble ! Serait ce déjà Breton qui serait en train de jouer des inédites dont nous avons bien loupé dix bonnes minutes ??? Et il faudra bien deux chansons pour se rendre à l’évidence : « Non… Impossible ! et puis d’ailleurs voilà une batterie floquée Breton qui se cache à l’arrière de la scène… ».

Mais la gifle auditive de cette mystérieuse première partie reste bien intrigante. Les sales gosses mancuniens seraient-ils venus dans leur valise avec des clones maléfiques confectionnés dans leur mystérieux Lab pour envahir le monde ? Est-ce l’expérience des scènes de Manchester  qui donne ainsi autant d’assurance et de précision à un groupe visiblement plus proche du bac à sable musical que du l’intronisation au Hall of Fame ?  Et durant la vingtaine de minutes que durera encore ce set cathartique, pas une seule fois le groupe ne rompra la transe électrique et martiale dans laquelle il semble vouloir maintenir les spectateurs prisonniers.


Dénouement :


Les lumières se rallument sur une salle qui semble légèrement hébétée, mais qui déjà attend avec fièvre les stars de la soirée…  Parfaitement rodé le show électro-pop-rock-hiphop-symphonique de Breton porté par les projections, les bons mots de Roman Rappak et la symbiose musicale de l’ensemble, est un succès absolu et mérité! ( Lien vers une chronique digne de ce nom du concert de Breton par ici !  ) . Mais revenons à nos moutons : l’attentat musical sans nom de la première partie… 



C’est en rentrant dans nos pénates que nous découvrirons son nom étrange : Sarah W. Papsun . Et pas sujets de sa majesté pour un sous les six garçons ne sont autres que des petits parigots (têtes de veaux) ! Et d’ailleurs avec un single intitulé Drugstore Montmartre comment cela aurait-il pu en être autrement ? Mais les types lorgnent clairement vers la Perfide Albion et c’est la découverte du math rock révolutionnaire des Foals a Oxford du temps où ces derniers s’appelaient encore The Edmund Fitzerald qui sera décisive. 
Quelques clips, EP’s et chansons éparses permettent de confirmer les impressions du live.

Les six membres du groupe nous  balancent bien leurs tripes à la figure sur chaque nouveau morceau ; et cette boucherie n’est pas pour déplaire à nos instincts les plus primaires de mélomaniaques compulsifs… Au gré d’un Drugstore Montmartre solaire, d’un Hey Hey lunaire et de clips malicieusement terre à terre, les quelques compos se déploient avec aisance et naturel. Un festivalier ayant trop traîné ses guêtres sur les champs boueux du cru 2012 des festivals hexagonaux de l’été ne pourra s’empêcher de noter la proximité entre le chant haut perché et la voix métallique de Mat Bad, diable à ressort de SkipThe Use. Notamment sur les sautillants Pay Try. Mais le résultat particulièrement fignolé se rapproche plutôt des pérégrinations mathématiques de Tall Ships, de Gallops ou des Battles. Et même quand, comme dans Kids of guerilla, il s'agit de ralentir intelligemment le rythme l'épreuve est validé haut la main...


Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Après une rapide enquête sur le WorldWideWeb les infos affluent ! Loin d’être de jeunes lions boutonneux et sur-testostéronés prêt à en découdre avec la vie, nous voilà face à une bande de bons vieux potes trentenaires revenus à la musique sur le tard…  Entre le métro/boulot/dodo les voilà qui, en 2009, ont la génialissime idée d’épousseter leurs vieux instruments poussiéreux d’ado et de retenter d’en sortir quelques gémissements… Et le résultat va au delà de toutes espérances ! Pas mal de concerts, quelques enregistrements, plusieurs clips rigolos, puis des tremplins remportés…Et tout s’enchaîne avec pas mal de premières parties prestigieuses…  Acharnement, maturité, beaucoup d’humour et la machine contre toute attente semble plutôt bien lancée.

Et comme ils l’analysent si bien dans une Interview pour Le Transistor « Notre atout : la vieillesse ! On n’est pas matures, on est sur le déclin… y’en a un qui est chauve et deux qui sont impuissants ! »
Quoi de plus approprié que de conclure maintenant sur la morale d’une fameuse fable de La Fontaine ? « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. » qu’il disait…  Et visiblement Sarah W. Papsun, invité surprise de la course n’aurait eu aucun mal à coiffer au poteau lièvre et tortue en partant bien longtemps après les deux compères…




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