Pas besoin de
rappeler la nécessité de l’O2 qui nous permet de gesticuler et gambader
sur notre Eden terrien depuis quelques milliers d’années ! Et puis
sans l’H20 comment ferions nous pour concocter les cocktails gorgés
de fruits et de fraicheur sans lesquels la vie ne serait qu’un bref marathon
sans le moindre ravitaillement ? Toutefois gare au pernicieux CO2 qui
grignote la couche d’ozone et menace de faire fondre le joli petit igloo de
notre ami l’Eskimo… Bref, si le monde tourne c’est grâce à la chorée-géante de
ces petites molécules championnes des chiffres et des lettres. Place maintenant
à une nouvelle venue particulièrement facétieuse, dont même votre prof de
physique n’a jamais entendu parlé : O2N…
Cette molécule d’un
nouveau genre qui voit le jour dans la région de Bordeaux s’est chargée de
rajouter une case pour le Rap dans la fameuse table des éléments de Mendeleïev.
Constituée de quatre atomes fondamentaux -
Al, Jako, Merlin, DJ Loodjeez et K-Price - elle est très vite infectée par le virus des
mots et mute en 02zen puis en ODEZENNE. Dotée d’un flow acéré, adepte de la phrase qui
tue, la monomaniaque sale bébête n’aura qu’un objectif : prendre le
contrôle de votre chaîne hi-fi à grand coup de figures de styles ravageuses et
d’instrus tonitruantes…..
On s’est retrouvé nez
à nez avec deux de ces atomes, Merlin (comme l'enchanteur) et Al (comme le gros bouton rouge mégalo de 2001 L'Odyssée de l'Espace) en marge d’une de leur mission
d’évangélisation, à l’occasion du Festival l’Eté à Pau. Petit debrief de l’accrochage
…
Salut Odezenne !
Si vous étiez une bande de publicitaires
sans scrupule quels serait le slogan qui qualifierait le mieux Odezenne pour les
néophytes ?
Al : « Vas te faire foutre toi et ton
rap ! »
Merlin : Ouaiiiiiiis ! Ca c’est bon…
Votre musique semble
être l’antithèse du rap us. Pas de bagouses, pas d’instrumentation hip hop
bling bling. Vous êtes un peu des ascètes du rap ?
Al : Comme les moines ? Ah ouais ça c’est tout à
fait nous ! On habite dans une grande maison à Bordeaux, tous ensemble. Et
c’est vrai qu’on fait notre musique avant de se demander si c’est du rap. Donc
des fois ça donne des choses rap parce qu’on en est tous nourri. Et des fois ça
donne des choses à coté… Mais qu’on assume pleinement parce qu’on a une logique
de groupe. Là il y a juste
Merlin et moi.
Merlin c’est lui qui fait les progs
et c’est un peu le poumon du groupe. Il amène pas mal d’oxygène. Ce qu’on fait
c’est tout sauf rap quoi, c’est de la musique !
Merlin : C’est de la musique rap… C’est de la rap music…
C’est de la rap music à la française !
Al : Nan, mais voilà, à la base on est des potes et on
fait notre délire. On fait du son depuis longtemps ensemble, même avant
qu’Odezenne soit créé. Et quand on fait des morceaux ensemble, c’est vrai que
tout ce qu’on essaye de faire c’est de s’épater les uns des autres. On a tous
de l’estime dans ce que chacun fait ; Jako dans ses textes par exemple… Et
du coup, on essaye de se surprendre et ça donne des choses… Et voilà ! C’est Odezenne.
Ok, ca c’est Odezenne
sur scène …
Al : Ah non ! Ca c’est Odezenne sur disque. Parce que
Odezenne sur scène c’est un peu différent. C’est plus un mélange de bière, de
Whisky et de parenthèses de la vie !
Même sur la scène
française vous êtes à des années lumières des codes classiques. Ainsi parmi vos
références on retrouve France culture, France inter ou le Montreux Jazz Festival… Vous ne feriez pas du rap pour bobos ?
Al : Ah ouaiiiis ! Ca j’aime bien alors !
Merlin : Nous on fait de la musique pour nous… Que ca soit
un minou de 16 ans qui vient me dire que ça le fait, que ça rap ou que je me
fasse inviter à France Culture tant qu’on me dit que c’est cool ca me rassure.
Al : Moi sincèrement, j’ai du mal à saisir le concept de
bobo, parce que c’est un peu galvaudé tu vois. Tout le monde l’utilise. Sois
t’es un mec normal, sois t’es un bobo. Et il y a un coté un peu « ne pas
avoir conscience des réalités de la vie ». En pour ca moi je suis pas du
tout d’accord parce que notre rap, il est quand même imprégné d’une espèce de
surconscience de ce qui se passe dans la vie d’un homme. Que ce soit l’amour ou
la place dans la société, que ce soit tout cela… Aucun de nous n’est
privilégié, on est tous issus de classes moyennes et on parle de ce magma moyen
dans lequel vivent plein de gens en France. Moi je ne suis pas parisien, je ne
sais pas ce que c’est les bobos, mais je suis ravi si je leur parle. Et tout ce
qui est hype ou lié aux mouvements de mode moi ça me fait très peur ; nous
on n’aime pas être catalogués. Voila on n’a pas de logo, notre premier album il
ne ressemble pas au deuxième et il ne ressemblera pas au troisième. Donc si tu
penses nous avoir cernés aujourd’hui, on te prouvera le contraire demain. (Satisfait) C’est beau ca hein ? Putain
j’ai de ces coups d’inspis ce soir!
La richesse de votre
flow est assez jouissive. Jeux de mots, clins d’œil, c’est aussi un véritable
festival pour les figures de styles. Vous ambitionnez de rafler une chaire à
l’Académie (Française) un de ces jours ?
Merlin : (explosant de rire) Une quoi ? Ah une chaise
tu veux dire !
Al : Bah écoute moi j’y ai jamais pensé ! Mais pour
Jako ca serait quand même une belle revanche sachant qu’il a quitté l’école un
peu tôt. Mais d’un autre coté je le connais, il en a un peu rien à foutre. Et
moi personnellement, bah ca ferait plaisir à mon grand père. L’Académie
Française nous concerne plus Jako et moi quoi ! Mathia, il fait la musique
et donc lui ce serait plutôt je ne sais pas … l’Orchestre National de
Vienne !
La nouvelle édition
de votre album OVNI (ndlr: pour Orchestre Virtuose National Incompétent) est carrément rebaptisé Louis XIV… La soucoupe volante se transforme en soleil… N’auriez-vous
pas quand même un peu pris la grosse tête ?
Al : (Catégorique) Non, on n’a pas pris la grosse tête !
En fait Odezenne c’est un mélange entre une grande confiance de ce qu’on fait
et une perpétuelle remise en question. Et par exemple, pendant la dernière
répète qu’on a fait hier on s’est dit « mais putain c’est des purs
morceaux, c’est pas possible que ce soit nous qui ayons fait ça ! ».
A coté, la semaine d’avant on écoutait les mêmes morceaux en se disant « Putain mais c’est carrément pourri… Qui est ce qui peut écouter ca ? ». Tu vois ce que je veux dire ? Donc la grosse tête je peux te dire froidement non ! parce qu’on est quand même persuadés que ce qu’on a fait c’est pas terrible. Par contre le Roi Soleil c’était plus pour se dire qu’on va essayer de faire quelque chose qui va durer dans le temps. Moi si j’ai un, deux ou trois morceaux qui restent dans le temps - comme je peux réécouter de vieux Gainsbourg ou des trucs qui n’ont pas pris une ride- franchement je serais ravi. Au jour d’aujourd’hui je ne suis pas sûr d’avoir produit un de ces morceaux. Mais c’est un peu le but pour nous. Donc dans ce sens, on a peut être un peu la grosse tête, parce qu’on prétend pouvoir faire quelque chose qui reste.
A coté, la semaine d’avant on écoutait les mêmes morceaux en se disant « Putain mais c’est carrément pourri… Qui est ce qui peut écouter ca ? ». Tu vois ce que je veux dire ? Donc la grosse tête je peux te dire froidement non ! parce qu’on est quand même persuadés que ce qu’on a fait c’est pas terrible. Par contre le Roi Soleil c’était plus pour se dire qu’on va essayer de faire quelque chose qui va durer dans le temps. Moi si j’ai un, deux ou trois morceaux qui restent dans le temps - comme je peux réécouter de vieux Gainsbourg ou des trucs qui n’ont pas pris une ride- franchement je serais ravi. Au jour d’aujourd’hui je ne suis pas sûr d’avoir produit un de ces morceaux. Mais c’est un peu le but pour nous. Donc dans ce sens, on a peut être un peu la grosse tête, parce qu’on prétend pouvoir faire quelque chose qui reste.
Merlin : Et puis le Roi Soleil ca le fait bien quand
même !
Parlons un peu 7ème
art maintenant. Vos clips sont particulièrement bien léchés. Des petits bijoux
cinématographiques, à la fois très esthétiques et dotés d’une vraie narration.
Si on vous offrait carte blanche pour faire un film, ca serait quoi, avec qui
et ou ???
Al : Alors cette question elle est difficile parce que…
Merlin : On ferait un film de cul !!!
Al : (rire gras) Merlin ferait un film de cul… Moi non.
Nan mais en fait cette question elle est difficile parce que tout le travail
des clips on le fait en collaboration avec des jeunes réals et avec des équipes
entières aussi. Je pense à Oktome, c'est des mecs de Paris; je pense à Vladimir Mavounia-Kouka c’est un type avec qui on a
fait le dessin animé de Dedans; je
pense à Céline; à Undi Lee, lui c’est un coréen avec qui on va sortir un clip de fou en
septembre. Et on a complètement carte blanche parce qu’on produit tous
nos clips. Là-dessus on a aucune contrainte on fait ce qu’on veut. Donc si un
jour on fait un film, je pense qu’au niveau du sujet, il y aurait forcément du
cul, il y aurait obligatoirement une remise en question du modèle de société parce
qu’il y a des choses qui nous vont pas et qu’on aime bien montrer du doigt. Je
pense qu’on revisiterait peut être le complexe d’Œdipe. Tu vois genre un mec
qui chat sur internet, il rencontre une nana, il l’a baise gavé et après il se
rend compte que c’est sa mère et il bute son père… Ca a du déjà arriver en France.
Merlin : Ca c’est une bonne idée à garder !
Par contre si l’on
devait décerner la victoire de la musique dans la catégorie optimisme ce n’est
certainement pas vous que l’on choisirait ! Un peu déprimés, carrément
cyniques…. Mais pourquoi sont-ils si méchants ????
Merlin : C’est pas forcément triste ! Ce sont des
choses profondes. Beethoven disait « le mode mineur c’est pas forcément
triste… ». Et Il y a plein de joie dans leurs textes. Ce ne sont pas
forcément des moments « biens » ou « pas biens », mais des
moments « forts » avant tout. Et quand c’est « fort » bah
c’est « bien » et c’est tout ! Le mort de quelqu’un c’est fort,
c’est bien…, ca fait chier mais tu t’en souviens toute ta vie.
Al : J’ai pas grand chose à rajouter à cette superbe réponse.
Non, mais c’est vrai qu’il faut rajouter que dans la vie de tous les jours on
est tout le temps en train de se marrer et donc c’est un grand paradoxe …
Merlin : (le coupant et finissant la phrase) : Parce qu’on
sait que c’est la merde !
Ce soir vous avez joué dans un théâtre de verdure…. Un peu comme les tribuns antiques qui
haranguaient les foules à Athènes ou Rome pour les convaincre. Le rap a-t-il un
rôle politique et de revendication au sens large ?
Al : Si bien sûr. C’est vrai que sur certain morceaux
qu’on a joués ce soir : Assez, ensuite il y a eu Dedans,
ensuite il y a eu Existe petit bout de rien. Sur les quinze qu’on a joués, on estime
avec ces trois morceaux faire le tour, au moment ou je te parle, de cette
question politique. Et évidemment, si le rap nous a séduit, à la base c’est
parce que c’est des morceaux où tu peux dire autre chose que juste une histoire
d’amour ou une histoire de je ne sais pas quoi… Nous on veut s’inscrire dans
une époque et regrouper des gens que cet aspect politique intéresse. Moi, je ne
prétends pas apprendre quoi que ce soit à personne ni faire des textes de fous.
Ce qu’on dit, ce sont des choses basiques et forcément sur chacun de nos albums,
on aura un morceau qui se positionnera comme ca. Après, on a aussi fait le
choix de ne pas faire que cela parce qu’on a l’ambition de faire de la musique
et que la musique ce sont aussi d’autres sentiments et pas mal d’autres
choses. Mais bien sûr, cet aspect là du
rap me plait beaucoup. Et d’ailleurs, j’ai envie de dire qu’aujourd’hui il n’y
a plus que ca qui me plait dans le rap !
Ainsi si on pense à
vous dans un futur gouvernement, quels serait le nom et les prérogatives de
votre ministère ?
Al : Elle est pas mal son interview quand même ! On
aurait eu tort de pas la faire (rire) ! Bah moi je ferais le ministère de
la baiiiiiiiise…
Merlin : Moi je ferais le ministère de la cohésion sociale…
Al : Nan mais merde, la cohésion sociale dans la
baise ! La baise dans la cohésion sociale ! Nan mais quand même ce
qui nous reste quand même c’est ce petit moment privilégié ou tout s’efface et
ou deux personnes ne font qu’un.
Merlin : Nan, on va faire un ministère des bonnes idées.
Al : Ouais, ca c’est pas mal, mais c’est quand même
vachement ambitieux.
Merlin : Attention je ne dis pas que j’en ai, je dis juste
que je le lancerais.
Et comment ca c’est
passé avec le citoyen béarnais ce soir ?
Al : Ecoute on a eu un peu peur quand on est arrivé
parce que c’était un peu disséminé dans le Théatre de Verdure, mais au fur et à
mesure ca s’est remplit, surtout devant et ca a beaucoup crié. Ca nous a soutenu
grave et au final on a passé un très bon concert. On a senti que les gens étaient
contents et nous ça nous suffit.
On peut vous poser une question un peu intime ? Quelle sont les morceaux et groupes les plus inavouables qui se cachent dans vos mp3 ?
Al : Inavouables… Dur…
Merlin : Ah si ! Moi inavouable j’aime bien le morceau
de Goldman qui fait …
Al : Ah nan !
Merlin : Le truc africain là qui fait « hé ho hé
hoooooooooo héééééééééé lalalalalalal ! » (il part dans un délire
vocal que la décence nous interdit de retranscrire dans son intégralité). C’est
hyper bien sérieux ! Mais ca le fait pas du tout d’aimer ca. C'est A nos actes manqués !
Al : Ah ouais c’est hyper bon, j’adore ce morceau et
j’ai rien d’autre à ajouter.
Dans le clip de Tupuducu vous jouez aux cartes ; on
retrouve une carte de tarot en pochette de Louis XIV…
Al : (dégouté)
J’étais même pas sur les cartes (cf clip) et en plus j’ai jamais fait de
tarot!
Bref, vous avez donc surement déjà du avoir
affaire à une cartomancienne ; Qu’a-t-elle prévu pour l’avenir
d’Odezenne ?
Al : Elle nous a soufflé le slogan de ce publicitaire sans
vergogne du début de l’interview « Va te faire foutre toi et ton
rap ! » et alors on essaye de s’y atteler. Et voila la boucle qui est
bouclée !
VA TE FAIRE FOUTRE TOI ET TON RAP !
(Propos recueillis par Max M.)
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