jeudi 27 octobre 2011

Freezepop, friandise à consommer sans modération…




Marre des délires mégalos de Justice ? Ras la casquette de la mèche peroxydée de Monsieur  Guetta ?  La soupe cérébrobranchouille minimaliste d’Arnaud Rebotini ne vous à définitivement jamais convaincu ? Quant aux poussés de testostérone frénétiques des boutonneux  de Birdy Nam Nam sur leurs platines, elles vous laissent définitivement de marbre ? Entre daubes ultra commerciales et expérimentations métaphysiques, définitivement l’électro bah… ça n’est pas votre tasse de zic ? Et bien, osez une dernière tentative avec l’électro pop survitaminée de Freezpop autoqualifiée de "sucrée, gelée, fruitée et plastifiée, comme un snack glacé"! 

T DJ by Freezepop on Grooveshark


Une voix de fausse Lolita ingénue, une boîte à rythme de pacotille d’une justesse métronomique, un clavier MIDI  digne de trôner dans la plus belle tête de gondole des pianos pour enfants de Toysrus et d’où s’échappe des sons redoutablement efficaces, des mélodies entêtantes faussement simplistes, une atmosphère  technologique lo-fi…  Bienvenue dans l’univers délirant et contradictoire de Freezepop Forever, premier album des américains paru en 2002.  On se rend vite compte que les frêles parois de carton pâte apparentes recouvrent en réalité une cloison de béton armé indestructible!  Formé en 1999 le groupe se compose de … Liz Enthusiasm, Sean T. Drinkwater  et rien moins que son altesse The Duke of Candied Apples. Vous l’aurez compris, le sens de l’humour est au cœur du concept Freezepop.
Les paroles du single Freezepop Forever constituent une véritable profession de foi pour les 3 membres, tout droit sortis d’un manga. Liz, fashion lolita revendiquée, se présente comme une furie du shopping en ligne et heureuse propriétaire de Sweedie son « puppie dog ». Elle déclare passer 18h par jour à dénicher les fringues qu’elle pourra enfiler le reste du temps pour briller dans le groupe. Sean est une sorte de beau gosse cyborg, condensé des technologies de pointe les plus perfectionnés. Il est, lui, éteint  18h par jour et n’est mis en marche que pour jouer dans le groupe. Quant au Duc, hacker de confession, il prend un malin plaisir à pourrir les boîtes mails des gens honnêtes. Autrement  il ne sort de son lit, où il passe ses 18h quotidiennes, que pour jouer de son clavier MIDI Yamaha QY70 avec ses deux autres compères. Quant au clip de la chanson il complète magnifiquement le tableau avec ses couleurs acidulées de Dragibus et ses graphismes girly de manga adolescent.



Porté par des textes « sms » et des mélodies « ringtones » L’album explore avec une ironie non dénuée de fascination les affres de la société de consommation à l’ère informatique. Summer Boy, parodie jouissive de pop music mainstream, semble s’adresser à un public de midinettes de 13 ans et demi de moyenne d’âge. Mlle Enthusiasm y égraine avec délice le refrain niaiseux: « summer boy, the sun is hot / summer boy, and so are you / summer boy, yeah I like what you've got /summer boy, I wanna be with you ». 

Summer Boy by Freezepop on Grooveshark
 
Et malgré tout ce kitch dégoulinant affirmé, la force de cet objet musical non identifié, c’est que la mayonnaise prend ! A l’image de l’aérien Harebrained Scheme ou du japonisant Tenisu No Boifurendo on se laisse emporter par des mélodies imparables. Voici en bonus une fine analyse du jeu absurde de la séduction dans le clip délirant de ce dernier… 

 

Get Ready 2 Rokk quant à elle est une étonnante chanson punk sans guitare ni batterie. Elle n’a pas besoin de son clin d’œil final à l’hymne du hard rock « Iron Man » de Black Sabbath pour sentir le cuir, la sueur  et faire cracher la sono…
Enfin une petite anecdote pour Science Genius Girl . Peut-être cette chanson ne vous est pas inconnue si vous êtes un adepte des Guitar Hero, Rock Band et autres jeux vidéos musicaux ? Et bien Kasson Crooker, l’homme qui se cache derrière le Duc est également producteur senior chez Harmonix, la boîte à l’origine de ce concept de jeux ! 

Aujourd’hui Freezepop existe toujours. Mais trois albums de plus, le départ du Duc, l’arrivée de deux nouveaux membres et l’essoufflement de la routine ont passablement émoussé la formule originelle. L’humour et l’imagination qui faisaient la force de Freezpop Forever sont assez éloignés de la froideur qui se dégage du bien terne Imaginary Friends, paru en 2010. 

mercredi 26 octobre 2011

Stay Ali : grandeur et décadence suédoises I




Bård Ericson, Elias Smeds et Johan Vati Graden sont trois stockholmois nés en 1991. Ils ont sorti dix disques en cinq ans. Il y a déjà dans cette carrière des fondements, une évolution et une maturité.
Stay Ali est une expérience électronique instable, qui a mal tourné. La face cachée de la scène suédoise. Les fils de Slagsmålsklubben qui aiment le désordre. L’un des miracles permis par l’Internet, les netlabels et  la vulgarisation technologique.




STAY ALI - Vendel Kaufman


Ceci est un fouillis de synthés analogiques, de boîtes à rythmes amateur et de samples de Gameboy®, le tout rehaussé d’un chant incohérent et sibyllin. Les mélodies sont simples et accrocheuses, la texture des sons tire sa beauté de sa médiocrité et de sa variété. Les balances approximatives n’altèrent en rien ni la beauté des arpèges ni les structures très développées : ces petits jeunes ont mis la théorie au service du beau et du fou. 

La plupart des morceaux sonnent comme des hymnes (Ingrid, Kislovodsk), le bpm est élevé (Lop, Kislovodsk toujours), l’ambiance devient parfois angoissante (Toys). Le tout s’achève sur le chapitre intitulé Luxemburg, le seul réellement chanté ; un petit chef d’œuvre bordélique (écoutez le développement de la chanson à 1:52).  Vendel Kaufman est un ensemble de notes centrifugées, une transcendance de la 8bitpop, toujours kitsch et jamais vulgaire. Novateur au sens le plus scandinave du terme. Inscrits en plein dans la révolution musicale suédoise que nous détaillerons prochainement. 




STAY ALI - Frå de Inre


Allez, des petis guignols de quinze ans qui se la jouent parce qu’ils ont appris le manuel d’utilisation de Reason, de Garage Band et  de l’essentiel des stocks de Korg  et Roland. Vous en avez des grands frères (SMK, Dunderpatrullen, Rymdkraft, Ninjaspark) et il y en a même qui ont loué des studios pour enregistrer leur musique. Des basses en octaves, des beats de dancefloor et des basses en ondes triangulaires, pas mal de monde y avait pensé. Oui mais non, parce que Stay Ali a publié Frå de Inre en 2007. Un EP de six chansons qui entérine le précédent opus et pose les jallons de ce qu’il faut appeler la musique électronique 8bit dance kitsch infantile baroque. En France Kitsuné les aurait kidnappés pour vendre des T-Shirts et des lunettes en plastique, mais en Suède la capture des bonne pousses est plus tardive.

Dans Frå de Inre, la folie a crû. Le rythme ne sert plus qu’à essayer de retenir les notes. Les textures sont encore plusdiversifiées (Kastrull), les cadences accélérées (Commander Blop), les vocodeurs ressortis (Pfefferbreffer), le formulaire pour admission en asile psychiatrique rempli (Krank) en enfin la délivrance, l’acmé, le zénith : le morceau céleste éponyme dont il faut espérer qu’il sera analysé par ce qu’il restera de l’Humanité dans mille ans. Frå de inre signifie « Questions intérieures ».




La suite de l’histoire est Forgive me Fraülein, dont l’introduction indique la qualité. Œuvre démiurge, aux incessants changements de tonalités, sa première phase se termine dans les nimbes, relayée par des nappes glauques, un rythme sourd et progressif qui amène vers un chaos inaudible, supplanté par une renaissance stellaire.

Stay Ali tente une synthèse musique traditionnelle/jazz/8bitpop dans Hundbageriet. Kandyland, comme son nom l’indique, sent les bonbons avec son thème syncopé impeccable, auquel se greffent de petites arpèges qui prennent le dessus pendant le pont, disjonctent momentanément puis introduisent la réexposition du thème. Sublime. Des morceaux plus traditionnels au sens fou du terme (Krakow, Skräckfabrikören) laissent la place à Tivoli Knispel, qui n’est pas qualifiable donc pas chroniquable. La seule influence évidente est Bach.  Und dann kommen wir Weiter : du jazz nordique et puis enfin You and Mimi, une charmante ballade très légère, ornée de clochettes électroniques qui clot l'opus essoufflant.

Avec ces trois disques, Stay Ali a énormément apporté à la musique électronique : la théorie musicale, l’humour, la folie. Un univers musical original et totalement innovant, illustration parfaite de la créativité suédoise que l’on soupçonnait déjà d’être sans bornes.





Pages de téléchargement :
Vendel Kaufman
Frå de Inre

lundi 24 octobre 2011

Goodshirt, un groupe qui vous ira comme un gant !


La Nouvelle Zélande n’est pour vous synonyme que de maillots XXL déchirés, ensanglantés, détrempés de sueurs et recouverts de boue ? Et bien détrompez vous ! Ce drôle de pays tout en longueur recèle bien  d’autres surprises pour vos mirettes et vos oreilles que le Haka de l‘Ovalie. Voici Goodshirt, quatre Kiwis bien plus à leur place dans un studio d’enregistrement qu’au milieu d’un pack de rugbymen déchaînés ! De 2000 à 2004 cette éphémère formation a fait vibrer toute une jeunesse avec des hymnes pop rock teintés d’électro et rehaussés d’un soupçon de reggae. Et si les 2000 km qui les séparent de leur voisin le plus proche a certainement été un frein à leur développement international, il n’est jamais trop tard pour se pencher sur les pépites qu’ils nous ont laissées au détour d’une vidéo youtube ou d’un lien Myspace.


Ainsi c’est en 2001 que sort Good, 1er album irréprochable, porté par le tubesque single Sophie. Ce dernier squate la première place des charts locaux durant 18 mois et est nommé "Single de l'année" au "NZ Music Awards" de 2003. Le premier né, qui passe sept semaines dans le top 50, est donc un franc succès d’Auckland à Christchurch avec plus de 25 000 ventes ( non, ne riez pas s’il vous plaît ! Dans un pays fort de 4 millions d’habitants c’est une performance plus qu’honorable qui constitue presque une certification double platine pour la vénérable Recording Industry Association of New Zealand ). 

L’album réunit 13 perles qui oscillent entre brûlots énergiques et ballades mélancoliques. Place to be et Green, les deux autres singles, tout aussi jouissifs que Sophie,  assènent implacablement couplets-refrains-solo dans une ambiance désenchantée ou batteries incisives, guitares saturés et synthés métalliques soutiennent froidement la voix désabusée de Rodney Fisher. Idem pour Blowing dirt ou Monotone, portés par de puissants et sautillant riffs de synthétiseur. Mousey, piste la plus noire de l’album pourrait être qualifiée de grunge tant les gémissements du chanteur, la satu crado et la rythmique effrénée peuvent donner envie de se secouer frénétiquement la tête sur les enceintes…
Plus calmes Sophie et Slippy ne sont pas pour autant plus radieuses. Ces fausses ballades cachent une rage aisément perceptible.

Sinon vous souvenez-vous de l’effroyable chanson Emo Une dernière dance  que toutes les bandes FM vous ont infligé durant votre ingrate adolescence ? Un ratage complet et dégoulinant… Et bien figurez vous que leur sombre Catch this light présente de troublantes similitudes avec le shamalow informe de Kyo, mais ici l’essai est largement transformé ! A vous de juger…
Dans Everyday funk, reggae, et electro se fondent et forment un étrange et fascinant intermède qui mérite le détour.



Reste à noter le psychédélisme lancinant et nostalgique que l’on retrouve dans Merrilands Domain et Long Day Last et enfin que dire sur Mud Sky, chanson la plus barrée de l’album? Même si le name dropping n’est pas trop la tasse de thé de votre serviteur ici je ne peux m’empêcher de penser à un étrange mélange entre du Daft Punk grande époque passé au mixer avec ce bon vieux Cat Stevens !





Leur deuxième galette et déjà chant du cigne, Fiji Baby, voit le jour en 2004. Les chansons qui le composent sont résolument plus pop (Fiji Baby, Lucy) voire teenage rock (Buck it up). L’esprit originel reste toutefois bien perceptible dans Cement

                                          

Adepte du DIY le groupe dispose en outre d’un talent scénaristique unique que toute la profession d’ Hollywood et Bollywood réunis pourrait leur envier. Avec 15 potes, deux bouts de ficelles, un tube de dentifrice, un filet de badminton, une vieille bagnole, trois masques flippants et un sacré dose d’humour ils sont capables de  confectionner des clips « faits maison » complètement hallucinés et hallucinants.  Libdub désenchanté de leur propre chanson pour Place to be, cambriolage surréaliste d’une imprudente ingénue avec Sophie, partie de badminton  acharnée en tenu d’apiculteurs pour Monotone… Enfin mention spéciale pour l’hommage fait à tous nos réveils difficiles dans le clip incroyable de Green ainsi que l'hilarante boucherie de serie Z de Mousey.






jeudi 20 octobre 2011

Princess Chelsea : un conte de fées





Pas besoin d’écouter l’album. Même pas besoin de lancer la vidéo ci-dessous ; sur « pause » Princess Chelsea fait déjà bonne impression. Puis, quatre minutes de clapotis, d’aller-retour entre voix mixtes, de superpositions, d’échos… L’orgue, la guitare puis le chant ont l’air d’être au fond de la bassine,  couverts d’eau savonnée ; les réverbérations sont si fortes qu’on ne sait plus bien quand les notes commencent, quand elles terminent ni d’où elles viennent.



C’est l’une des premières impressions que l’on peut avoir à l’écoute de The Cigarette Duet, le premier single extrait de Lil’ Golden Book, le premier album de Princess Chelsea. Une chanson qui traite du conflit conjugal autour du tabac. Une question lambda traitée avec une naïveté et une bêtise incommensurables. Comme l’esthétique de la pochette, qui fait passer Jeff Koons pour un artiste classique.

Le disque, comme le suggère son nom (référence au label Lil Chief Records), est un conte de fées ; il cherche à émouvoir, faire peur et nous mettre en garde contre les affres de la vie. C’est l’œuvre d’une jeune néo-zélandaise, Chelsea Nikkel, qui propose une électro-pop impeccable, fine, fragile, et dont chacun des chapitres a son identité, serti dans un ensemble cohérent.

Tout sonne d’outre-tombe et novateur à  la fois. Un écho perpétuel initié par Machines Of Loving Grace, morceau mêlant instruments organiques et électroniques, pour symboliser une « prairie cybernétique  où mammifères et ordinateurs vivraient en paix». Ensuite vient Yulia, une ballade dépressive qui semble parfois s’arrêter complètement. Des harpes, des clochettes, un glockenspiel, des parties vocales qui s’expriment par souffles planent sur le disque. Des morales médiévales (« so start being civil, courteous too or it will be off with your head »), des vérités absolues (“Monkey Eats Bananas”), une ballade elvispresleyment orchestrée pour parler des ravages de l’alcool dans la jeunesse (Please don’t drink too much, I worry that you will die/Too fast to live is the stupidest saying I’ve heard in my life). 




Princess Chelsea nous explique “La vie en Nouvelle-Zélande est assez plaisante, quand on atteint 22 ans elle n’est plus assez violente, nous voulons que les choses accélèrent, des trains plus rapides et des boîtes de nuit plus grandes, nous voulons de l’argent, des kudos (gloire et renom qui découlent d’une action) et des drogues plus fortes…  donc nous allons à l’étranger, où nous faisons les mêmes choses avec moins d’espace, puis nous revenons chez nous au bout de deux ans, avec un soupir de soulagement, mais tout en disant que c’était mieux ».

Un constat désabusé qui sert de morale au conte, qui nous fait douter du côté du miroir dans lequel évolue Princess Chelsea. Un disque exceptionnel pour un label d’exception (l’esthétique est très proche des Brunettes, pas très éloignée de celle des Little Pictures non plus). L’insularité est résolument féconde.