mercredi 21 décembre 2011

The Awesomest Song Of The Week ( IX ) : The Black Belles





Jack White ça vous dit quelque chose ? Bien sûr… Pas besoin de présenter l’un des plus prolifique et singulier musicien, chanteur, compositeur, producteur, businessman, marketeur, communicant de la scène musicale US de ce début de siècle. Frankenstein, Dr Jekyll ou Mr Hide on ne sait pas trop bien comment qualifier cet obscur génie... Après avoir fait tremblé plus d’un stade avec ses machines infernales (White Stripes, Raconteurs, Dead Weather), dont il fut à la fois le cerveau torturé et le bras implacable, voici le démiurge de retour, dans le cadre de Third Man Record, son nouveau laboratoire de savant détraqué à Nashville. A la fois label indé, salle de concert, et boutique de vinyles, le lieu lui permet de maîtriser toutes les étapes du développement de monstres maléfiques dont il a le secret, de  la production à la scène. Parmi ceux-ci, The Black Belles, sublime et improbable pépite "garage goth" , qui vient de sortir un premier album éponyme en toute discrétion. L’occasion de revenir sur leurs deux singles parus l’an dernier en prévision de la sortie de celui-ci : What can we do et Lies, étonnants mélanges d’innocence et de perversion.


Tout aussi enchanteresses que vénéneuses, The Black Belles forment une créature dangereusement séduisante. A la fois Hydre de Lerne dotée de quatre têtes d’anges, sirène maléfique aux cordes vocales de velours, hypnotique Méduse au regard de feu, elle dégage une telle présence que si c’était elle la sorcière de Blanche Neige, elle n’aurait même pas eu besoin de faire croquer de pomme à l’innocente ingénue ! La patte du maestro est évidente, tant à travers la superbe esthétique rétro faussement surannée qui se dégage des clips, qu’au niveau des fulgurances musicales du combo, qui sonne comme le rejeton  d’une hypothétique et incestueuse partie fine entre les Doors, Janis Joplin et Black Sabbath



What can we do débute ainsi sur un rythme lourd et pesant, imprimé par une note vicieuse d’orgue Hammond et de méchants coups de grosse caisse, le tout rapidement renforcé par des accords saturés de guitares joués dans la même tonalité. Brut, méchant et délicieux à la fois… La suite l’est tout autant, à travers des parties chantées implacables et hautaines et surtout des riffs minimalistes agressifs qui trouvent leurs inspirations dans le meilleur des tubes de hard rock des années 70. Tout aussi jouissif visuellement, le clip décline une esthétique trouble, à la manière d’un film policier français des années 30, et joue sur des effets de lumières sublimés par le contraste du noir et blanc. Toutes de noir vêtues les demoiselles, mystérieuses séductrices, sortent directement des pages poussiéreuses d’un bouquin d’Agatha Christie. Talons aiguilles, bas résilles, robes cintrées, foulards en soie, chapeaux à large bord, le tout rehaussé d’une abondante couche de mascara… La mise en scène est impeccable ; elles disposent de tous les accessoires de la femme fatale d’avant guerre.



Ce croisement contre nature s’avère encore plus percutant avec Lies, qui porte son nom à merveille. Avec Monsieur Jack White en brillant faussaire aux commandes, la chanson devient un pastiche impeccable que l’on jurerait sorti d’un album produit entre 1967 et 1975. La production brinquebalante est marquée par ce sentiment d’urgence si particulier que l’on retrouve sur les enregistrements de tous les petits groupes qui n’avaient pas d’autre choix que de mettre dans la boîte un album entier en une demi-journée à l’aide de matos pourave et d’un ingé son au mieux alcoolo et au pire sourd comme un pot ! Guitares sautillantes, orgue grésillant, voix nasillardes pleines d’échos, solo vacillant, batterie tintinnabulante… Tout y est. Mais ces Pin Ups maléfiques sont clairement ancrées du coté obscur de la force, bien plus proche des sombres desseins d’un machiavélique Dark Vador que de l’insouciance Flower Power d’une Princesse Leïa niaiseuse. La saturation à outrance sent le stupre et la luxure, et ne parlons même pas des vicieuses intonations du refrain …


Bon, maintenant que les présentations sont faites, il ne vous reste plus qu’à croquer avec délice dans le fruit défendu de l’album, d’ores et déjà disponible en streaming, en cliquant sur le lien ci-dessous ! Enjoy…




vendredi 16 décembre 2011

On l'écoute et on assume ! (III) : l’electronica bling-bling de Bacalao




Avis aux propriétaires de 205 GTI 16 soupapes. Lustrez avec amour vos néons bleus, décrassez la carrosserie orange de votre petit bijou, assurez-vous que l’harmonie du ronronnement du bolide est optimale et surtout vérifiez que votre bass boost intégré atteint bien les 115 DB … Voici avec Bacalao une occasion unique de faire claquer les Watts ! Et pour les autres, ne passez surtout pas votre chemin. Plutôt que de boucher vos oreilles d’un air dégoûté, laissez-vous tenter par cette friandise technoelectro détonante et dégoulinante, pleine d’autodérision. A consommer bien évidemment avec entendement et modération. L’abus de ce genre de sons pouvant provoquer de graves et irréversibles  lésions.


C’est en Suisse que se cache Bacalao, de son vrai nom Carlos Da Silva. L’olibrius semble s’être spécialisé dans les mix blasphématoires jouissifs et les délicieux morceaux de pacotille. De plus à la fois bidouilleur philanthropique et savant fou 2.0 l’œuvre prolifique de ce sympathique explorateur sonore est mise à disposition gratuitement sur des plateformes de morceaux libre de droits (voir lien à la fin de l’article).

Mention spéciale du mauvais goût jouissif décernée haut la main a l’improbable Cheat Code, morceau qui réconcilie le nord et le sud de l’électro UE en édifiant un pont entre la 8bitpop scandinave et la Makina ibérique. Les basses ronronnent allégrement comme lorsque, sur la ligne de départ d’un grand prix de Formule 1, 25 moteurs à l’unisson se jaugent, pressés d’en découdre. Les lignes électroniques s’entrechoquent avec fracas telle une bande de particules radioactives incontrôlables … Une catastrophe du type Fukushima n’est pas très loin !


Junk Song addictive, Cheat Code provoque la même boulimie coupable mais frénétique que l’on peut ressentir dans n’importe quel  minable fast food … si les clinquantes mélodies restent plus sur l’estomac qu’un Triple Wooper de chez Burger King, nos facétieux neurones ne peuvent résister à une telle drogue auditive… et en redemandent !
   
Place donc à deux autres curiosités représentatives des expérimentations du bonhomme : Tout autre délire avec Fugue en Sol étonnant mélange de musique baroque et de flamenco sur lequel il s’est amusé à poser un furieux beat de rap.


Et pour finir en beauté voici le minimaliste et bourrin  I’m still alive qui n’est vraiment pas là pour triller les lentilles… On se passera de plus de commentaires, à vous maintenant de juger la chose...





lundi 12 décembre 2011

Le Corps Mince De Françoise, pop testostéronée au féminin !




Avec LCMDF (pour Le Corps Mince de Françoise) la gente masculine n’a qu’à bien se tenir…  Boysband peroxydé, si tu continues de rouler des mécaniques comme cela, tu risques de te retrouver dégonflé en moins de deux. Idem pour toi ,groupe de hard testostéroné et poilu qui ne jure de la qualité d’un concert que par le nombre de groupies levées chaque soir. Prépare-toi à une dure période d’abstinence.  

La révolution finlandaise est là pour sonner la fin d’un machisme musical inadmissible au XXIème siècle. Pompiers, conducteurs de char d’assaut, pilotes de Formule 1 ou stars d’un groupe branchouille restaient jusqu’à présent une prérogative quasi exclusivement masculine. Voilà un privilège en passe de s’écrouler pour cette dernière catégorie. Après LCMDF plus rien ne sera comme avant ! Là où lorsque l’on était de chromosome XX il était avant tout question de plastiques   et de mensurations footballistiques pour briller ; là ou les qualités vocales n’étaient qu’accessoires pour s’en sortir… Pas de panique au pire il y a le magicien Autotune (Logiciel correcteur de tonalités) et puis en studio on fait des merveilles hein !  C’est comme la chirurgie esthétique cette petite popote… Un petit peu de silicone par là, une pointe de bistouri par ci et voila un joli petit tube parfaitement calibré pour bercer les illusions  des fashionitas de toute la planète et faire saliver leurs confrères masculins…  Avec LCMDF plus question de shaker son booty pour faire fantasmer une bande d’ignares ainsi que d’avoir, comme consécration ultime, sa photo dénudée  en bonne place dans toutes les cabines des routiers des plus belles quatre voies des deux hémisphères. 


Voici enfin de la pure pop music féminine défaite de son carcan de stéréotypes sexistes et réducteurs. Et (surtout) pas besoin d’avoir sa carte de membre actif du groupe ultras féministes des Chiennes de Garde pour apprécier !

                                     
LCMDF - Take Me To The Mountains from Ja Ja Ja on Vimeo.

Fondé en 2006 à Helsinki, d’abord trio rapidement devenu duo, Le Corps Mince De Françoise, ce sont deux sœurs : Mia (la brune) et Emma (la blonde) Kemppainen. Mais avant d’aller plus loin, réglons une fois pour tout le mystère de cette dénomination incongrue. Il s’agit tout simplement d’un clin d’oeil à leur chatte anorexique dénommée Françoise, emportée par son manque d’appétit chronique. Poignant hommage… Bon, voilà qui est fait ! Attaquons-nous maintenant au volet musical de la chose qui, d’une telle richesse malgré une certaine futilité apparente, promet d’être bien plus complexe à développer.  Sans se prendre la tête, elles ont réussi avec leur pop cool, décomplexée et super accrocheuse à renouveler un genre sclérosé par des livraisons quotidiennes d’hectolitres de bouses mainstream radioformatées et packagées pour être bankable de Brisbane jusqu’à Vancouver en passant par Oulan Bator et Clermont Ferrand…  

Dès la première écoute de leur premier et unique album, Love & Nature, surprend par l’homogénéité et l’inventivité qui s’en dégage. Take me to the mountain, furieuse ouverture à tendance dancefloor en est caractéristique. Les deux rafraîchissantes demoiselles posent des textes décapants sur des parties de synthétiseurs qui s’entremêlent, précises et ultra efficaces, tandis que de plus discrètes touches de guitares sont délicatement saupoudrées. Les changements de rythmique de l’astucieuse boîte à rythme sont incessants et renforcent l’effet d’urgence éprouvé du début à la fin de la galette.  Particulièrement mises en avant, les voix et les mélodies tutoient de manière troublante celles des divas pop et RnB sans jamais tomber dans leurs travers. Ca scintille sans en devenir aveuglant, ça aguiche sans être vulgaire, ça séduit sans artifices superflus…



Inclassables, les morceaux mélangent allégrement les influences. Gandhi, délicieux cocktail, étonne ainsi par son joyeux et improbable  panachage: couplets légèrement  rappés d’obédience RnB, refrains fruités et fleuris purement pop, cœurs à la Sympathy For the devil  des Stones et riff de guitare saturé qui lorgnent clairement vers un son rock plus électrique, sans oublier d’omniprésents et énergiques samples électro…
Future me, single de l’album, brille quant à lui par son assurance et sa maturité. Pure comme de l’eau de source, la mélodie s’écoule à la fois comme un ruisseau de montagne, préservée de toute impureté et encore plein d’indolence, tout en ayant déjà l’assurance et l’irrésistible puissance des grands fleuves.

Future Me (Radio Edit) by LCMDF

Avec Cool  and bored, ses castrateurs couplets (When I see this boy i go like / "Blah to the blah blah / I'm so smart and intellectual blah blah"/Good impression? / Baby I'm not sure / Instead of going hard core / I'm doing cool and bored )  et son non moins lapidaire refrain (Cool and bored / Je suis la fille qui ne veut pas faire la fête, non !) elles tiennent leur hymne, géniale chanson pleine d’ironie et de désinvolture. On vous avait prévenus messieurs, il va falloir se tenir à carreau…



Et pourtant, elles ont beau dire, ces fausses ingénues vont devoir assumer les centaines de salles de concerts qu’elles ont déjà soulevées (Et toutes celles qui vont suivre…) ! Toutes les pistes du disque sont admirablement taillées pour se trémousser frénétiquement. Pour preuve l’imparable Something Golden …



Simples sans être simplistes, c’est le point fort majeur de ces chansons qui partagent spontanéité brute et sophistication à l’extrême. Time (I have lost my mind), we are cannibals, Hard smile ou Beach Life sont des blocs de granit ciselés à la manière des pierres les plus précieuses. Si une seule écoute suffit à les assimiler il est toujours possible de découvrir des détails insoupçonnés après les avoir déjà entendus en boucle plusieurs dizaines de fois !


Réussissant un grand écart musical remarquable, LCMDF est avant tout un phénomène musical hautement contagieux et addictif. Jusqu’à présent le groupe dispose d’une base de fans solide mais cantonnée au milieu fermé et élitiste de la hype parisiano-berlino-londonienne.Ce binôme de choc a pourtant clairement des atouts qui lui permettraient de toucher un contingent bien plus conséquent de pauvres petits tympans esseulés. Mais ne disposant pas du rouleau compresseur marketing et médiatique des grandes majors de l’industrie du disque c’est par le bouche à oreille que LCMDF peut espérer trouver de nouveaux adeptes.
Maintenant à vous donc de répandre la bonne parole… Rassurez-vous, la tâche est particulièrement aisée ! Il suffit d’installer le sujet à proximité de votre ordi et de cliquer sur le lien ci-dessous pour accéder à la version intégrale de Love & Nature en streaming… 

mercredi 7 décembre 2011

The Awesomest Song of the Week (VIII) : To My Boy


Combien de groupes Joy Division a-t-il influencé ? C’est comme le nombre d’étoiles dans le ciel, on ne le saura jamais mais on va déjà apprécier celles qu’on peut voir. Et parmi eux, To My Boy, un duo très récent fondé à Liverpool, dont le deuxième disque, The Habitable Zone, est sorti l’année dernière.

Jack Snape et Sam White font une espèce de new wave partiellement dépoussiérée. Batterie façon moissonneuse batteuse, synthés froids entre hype et has been (to become ?), le tout recouvert de voix liverpoolesques. Ils mélangent rythmiques sales et sons chip, en les encastrant dans des mélodies toujours saisissantes. La famille de l’électro-pop s’est agrandie : voilà la néo-new-wave (si !).  Il va y avoir un sacré bordel dans l’histoire de la musique si les repères temporels continuent de fondre ainsi.

Deux chansons issues de The Habitale Zone : Delightful Beams, dont la rythmique entêtante n’a d’égal que le refrain chatoyant, et Hello Horizon, morceau plus calme, agrémenté d’une magnifique vidéo.


To my Boy - Delightful Beams by gilda notdead




mardi 6 décembre 2011

The awesomest song of the week (VII) : Coastal Cities



Il n’y a rien de plus insupportable que les petits groupes de rock anglais prépubères… Il suffit de mater leurs clips ; ces mioches, à peine sortis des jupons de leurs génitrices, se comportent comme si les prochains sur la liste des miracles sur terre après le petit Jésus c’étaient eux… 
Arrogants, flegmatiques, glaciaux, ces gringalets capricieux égrainent sans un sourire leurs petites ritournelles en se balançant maladroitement d’un pied sur l’autre. En plus, à 17 ans Ils ont bien souvent déjà enregistré plusieurs singles classés dans le top 100 des charts UK … Et toi, tu as 28 piges et, même si tu prends des cours de guitare classique depuis que tu as cinq ans et demi, tu essayes sans succès depuis quinze ans de faire passer ta maquette aux bars PMU du coin pour décrocher une première scène devant Roger et Monique… ça a de quoi foutre les nerfs ! Et pourtant force est de constater que si ces petits gringalets sont si stressants c’est qu’ils arrivent à pondre d'indéniables petites merveilles. Coastal Cities, groupe « indie-dance » de mioches du Buckinghamshire et leur hallucinant premier EP, Think Tank, disponible depuis le 5 décembre, ne dérogent pas à la règle ! 


Tâchez d’oublier le look d’ados tête à claque et les hideuses coupes de cheveux de ces garçons, Coastal Cities est un groupe qui avant tout fait de putains de bonnes chansons ! Leurs mains poisseuses encore pleines de gras de fish & chips n’empêche pas ces petits frères des Foals de jouer un rock aérien incisif et énergique. Et le chanteur a beau avoir le visage encore parsemé d’acné, sa voix a l’assurance d’un Alex Kapranos (chanteur vénérable de Franz Ferdinand), les parties instrumentales sont précises et redoutables et le tout tient admirablement la route.




Le premier single du groupe, l’efficace Think Tank, est une chanson hautaine à l’image de ces cinq petits rosbeefs. Tous les instruments sont parfaitement calibrés ; deux guitares s’entrelacent, faisant jouer à merveille leurs harmonies tandis que les nappes de synthé enveloppent un chant brillant et prétentieux ; sans oublier la sacrosainte batterie syncopée qui encadre le tout. Rien de révolutionnaire, on a déjà entendu ça trois cents fois, mais qu'est-ce que c’est bon !


Idem pour l’entêtante No room for heroes . Rien à rajouter, tout est en place pour un succès imminent !








samedi 3 décembre 2011

On l’écoute et on assume ! (II) : la 8bitpop de Super Multifaros

Vous croyiez que les robots ne pourraient jamais prendre le pouvoir ? Que les bobos soient tiraillés entre l'admiration du défrichement conceptuel et le dégoût face à l'absence d'âme de cette musique !

Allez, on se lance. Ceux qui connaissent Stay Ali ne seront pas choqués outre mesure. L’un des membres, Bård Ericsson, sévit dans le microcosme de la 8bitpop suédoise depuis 2006, il avait alors quinze ans. Il a publié à ce jour quatorze disques et EP et les propose gratuitement ici. Il s’agit pour une bonne partie d’entre eux de 8bitpop stricto sensu, c’est-à-dire sans aucun ajout extérieur. La boîte à rythmes, la basse et les lignes mélodiques sont directement extraites d’une Game Boy®. La démarche peut prêter à sourire, mais sachez qu’il ne s’agit pas d’un essai, d’une expérimentation. Et Monsieur Multifaros n’agit pas seul dans son coin, il a de nombreux collègues, des compatriotes pour la plupart.



Nous proposons ici Trade Your Kids, extrait de l’album The Lost Beats, publié en 2008. Elle est très représentative de l’œuvre du Stockholmois. De facture assez basique : une ligne de basse unique, une mélodie pour le couplet et une autre pour le refrain. La forme intrigue forcément, mais le fond est là, et une fois le recul pris, il en devient sublimé par la précarité extrême des textures de son. Si si, réécoutez-la la semaine prochaine ! Même réduite à sa définition minimale, la musique fonctionne toujours quand elle est bien écrite.



vendredi 2 décembre 2011

The Awesomest Song Of The Week (VI) : Egyptian Hip Hop





Egyptian Hip Hop !!!??? Et bien non, ce n’est pas encore aujourd’hui que vous découvrirez un Crew de MC cairotes arborant fièrement bagouses avec tête de sphinx en diams et maillots XXL des Alexandry Spurs, leurs danseuses orientales siliconées, le tout porté par les samples détonants d’un DJ qui mixerait du Jay-Z avec des vocalises de la chanteuse traditionnelle Um Kalthum…  Et pourtant je vous l’accorde, ca dépoterait à max ! Egyptian Hip Hop c’est tout l’inverse : des petits blanc-becs british qui forgent une pop électro d’une étonnante maturité. Et ca vaut aussi le détour !


Les quatre garçons d’Egyptian Hip Hop, pour des jeunots qui ne souffleront pas 20 bougies à leur prochain anniversaire,  impressionnent par leur lucidité musicale. Ils ont ainsi une maitrise rare de leurs instruments, de leur son et de leurs mélodies... Pas encore d’album à leur actif, juste un EP, quelques brillantes  chansons et une poignée de clips plutôt bien léchés. Mais la mécanique est parfaitement huilée. L’instrumentale Middle Name Period  constitue ainsi une redoutable machine de guerre qui rivaliserait sans soucis avec les tanks de la place Tahrir ! Une ligne de synthé infernale qui écrase tout sur son passage,  des étonnantes parties de batterie marquées par d’incessants roulements de caisse claire et de toms, une basse martiale et conquérante…



Wild Human child est quant à elle une vénéneuse chanson parfaitement calibrée pour faire mouche dans tous les pubs britanniques, de la pointe de la Cornouaille jusqu’au fin fond des Highlands. De la grande tradition pop britannique : l’artillerie lourde est dégainée d’entrée avec son riff de basse aussi simple que dévastateur. Les glaciales notes de guitares n’ont plus qu’à boucler le job. Elles virevoltent, incisives,  tandis que le chanteur pose par-dessus son flegmatique flow de Manchester.



Il suffit enfin d’écouter le sautillant Moon Crooner pour se convaincre que la révolution Egyptian Hip Hop est bien en marche et qu’elle n’a rien à envier à son homologue nord-africaine ! A coup sûr ces petits rigolos sortiront sous peu de leur île pour partir à la conquête des lecteurs MP3 du monde entier.  D’autant plus que l’album est prévu pour très prochainement…  






jeudi 1 décembre 2011

The Awesomest Song of the Week (V) : Stay Ali - Loner



Stay Ali, déjà chroniqués ici, nous avait habitués à de la 8bitpop décadente, survitaminée et explosive. Mais ils ont changé de braquet récemment, arpentant des sentiers déjà bien battus et moins touffus. Des perles parsèment néanmoins les derniers essais, et perle parmi les perles : Loner, ou cinq minutes d’introspection glacée.




Loner est comme un rêve, elle s’imagine dans l’espace. Une vaste étendue froide et sauvage, emplie d’échos, de sons d’outre-tombe. L’arrivée d’un rythme puis d’une mélodie claire rassure un peu, rassemble la matière et remplit un peu le vide ; puis c’est le déchirement : le rythme se fracasse en un son de clapotis et de roue de vélo qui tourne dans le vide, un chant dépressif, passé au vocoder, incante « So here I am, I’m all alone, I do not need the telephone, I’m sitting still, all on my own, destination is : all alone ». 

Brillante boîte à rythmes, pont de synthétiseur plongé dans l’écho et le delay, bruitages sinistres puis réexposition. Une note continue plane sur le chant, sombre et renaît par intermittences. Les paroles immuables, lancinantes et répétées jusqu’à la folie, concluent le morceau de manière aussi morosement sublime qu’elles l’avaient initié. La situation du protagoniste n’a pas changé, le morceau est juste une fenêtre par laquelle on a pu le voir tourner en rond pendant cinq minutes.



mercredi 30 novembre 2011

The Unicorns : éphémères et immortels



 

Licorne (nf) : animal merveilleux et fantasmagorique qui vit depuis la nuit des temps à travers les contes et légendes. Un secret jalousement gardé par une communauté de petits êtres étranges culminant à 1m05 et disposant de fantastiques pouvoirs (don de dédoublement,  faculté à se projeter corps et âmes dans des univers imaginaires, capacité de converser avec des objets en apparence inanimés… ) : les enfants.

 La licorne est paradoxale ; les conteurs ne sont autres que les pires ennemis du fragile animal, pour qui elle n’est symbole que d’une puérile  insouciance : les adultes. Et ceux-ci invariablement ont le dessus. Ainsi le drame de la licorne s’accomplit systématiquement vers cet âge fatidique. Un beau jour l’enfant ne réclame plus son histoire. Il a mille autre chose à faire ou c’est son voisin de classe, qui lui a déclaré avec mépris « mais t’es trop bête toi ! Les licornes ca n’existe pas, c’est comme le Père Noël d’abord ! » (et vlan ! deux traumatismes pour le prix d’un …). Première cuisante désillusion du bambin ; une fois l’enquête menée,  le deuil surmonté, début donc de l’âge adulte et de ses graves obligations.

Tout comme la Licorne de notre enfance cette chronique va ainsi se pencher sur le berceau/cercueil des Unicorns (version anglophone de notre bel animal), un groupe posthume qui cristallisait toute l’insouciance de la jeunesse, ses splendides maladresses, sa sublime fragilité  et son inéducable brièveté.


En effet, fondé en 2000 ce combo de tous jeunes canadiens est foudroyé dès 2004 au moment même où, comme le bel animal, encore hésitant, il aurait dû se mettre au galop et partir à la conquête du monde.  Constitué de trois ados de Montréal, ce groupe mort-né a tout juste eu le temps de réaliser un album démo plus que prometteur, un premier album de toutes les espérances et un EP aux flamboyantes envolées, avant de rendre l’âme sur le bûcher de l’innocence.

A la fois  magistral premier album,  disque de la maturité et chant du cygne, l’unique album Who will cut our hair when we‘re gone ? paru en 2003 est un concentré de tubes en puissance qui semblent avoir été maladroitement enregistrés avec le pire des enregistreurs à K7, acheté 25$ dans la superette du coin…  Titre génial sur le mode des naïves interrogations métaphysiques dont les enfants ont en général le secret, celui-ci est déjà porteur d’un bien funeste présage… 


Tout aussi funeste, I don’t wanna die introduit idéalement l’album. Le son est brut, le format est ultra court, les harmonieuses mélodies vacillantes et l’atmosphère mélancolique particulièrement instable.  Tuff Ghost et ses nappes de synthé enchaîne avec une chanson brinquebalante faite de bric et de broc qui s’avère paradoxalement d’une présence phénoménale.

The Unicorns: Don't Wanna Die by bikesinthekitchen

The Unicorns - Tuff Ghost by halloweengum

Adepte du Lo-fi vous allez vous régaler ! Les voix sont peu assurées, les balances plus que douteuses, et ne parlons même pas de l’accordage des instruments…  Mais pourtant quel délice que les déchirants The clap, Inoculate the innocuous ou Les OS! Comme les groupe de lycéens aux noms les plus improbables que nous avons tous connus, les trois garçons arrivent à insuffler une profonde sincérité, une passion qui vient du plus profond de leurs tripes et prend le dessus de manière bluffante sur l’amateurisme général de cette affaire. La mélodique Jellybones et son intro déchirante en est l’exemple parfait. Idem pour Child Star, mélancolique chanson à tiroirs et son étrange pont de synthé qui imite à la perfection le son d’une k7 qui aurait trop été écoutée.





Child Star - The Unicorns by Daniel Bazurto

Ce mélange entre grande fragilité et inflexible détermination est frappant dans le clip de If I was a unicorn (première vidéo de l'article), simple reconstitution de live. Le frêle bassiste semble plier sous le poids de son instrument, le micro est trop haut pour le chanteur, le batteur hagard tente, tant bien que mal, de suivre le tempo qu’il est lui-même sensé insuffler  à la chanson. Toutes les conditions sont présentes pour donner quelque chose de pathétique… et pourtant que nenni ! Les parties de guitares virevoltent, la rythmique est implacable, les voix conquérantes… Le résultat est une brillante chanson, hymne de la jeunesse qui pourrait déplacer des montagnes. Seuls des gamins plein d’espérance pouvaient avoir le culot de la composer comme cela, à bras le corps.

Autre clin d’œil à l’adolescence : la stridente et ridicule intro de Sea Ghost jouée à plein poumon… à la flute à bec ! Rafraîchissante provocation faite à ce ridicule et pathétique instrument en plastique, censé ouvrir le jeune à la magie de la pratique musicale, sûrement bien plus responsable du divorce durable que l’on observe dès lors entre de nombreux teenagers et le moindre instrument de musique…  Bien heureusement les guitares prennent vite le relais pour enchaîner sur une chanson garage impeccablement brouillonne et bordélique.


The Unicorns - Seaghost by marklawson

Pour conclure l’album, le résigné Ready to die prend le contrepied de l’ouverture I Don’t Wanna Die …  Bref, si l’on ajoute à ces insistantes références morbides que trois des treize titres comportent le mot « Ghost », nous ne pouvions pas dire que nous n’avions pas été prévenu !


Pourtant comment se douter à la sortie du génial EP 2014 qu’il s’agissait bien plus d’un point final que de la majuscule d’une carrière que l’on attendait encore fébrilement. Sorti en 2004, il laisse percevoir ce qui aurait pu advenir des Unicorns avec un peu plus de maturité. Les quatre chansons, aux structurations plus complexes, sont brillamment fignolées. L’enregistrement Lo-fi n’est plus qu’un lointain souvenir. Et l’insouciance du garage pop s’est transformée en un rock électro bien plus sombre et torturé. L’intro de 2014 ne laisse pas soupçonner le virage électronique que prend petit à petit la chanson portée par un furieux beat à la limite du dancefloor. La sensation de transe ressentie est d’autant plus forte dans la version démo qui clôt leEP. Le fier Emasculate the masculine et son riff dévastateur semble quant à lui prêt à partir à la conquête des stades des cinq continents…

The Unicorns: 2014 by Unicorns, The on Grooveshark

Emasculate The Masculine by Unicorns, The on Grooveshark


Mais est-ce ce passage à l’âge adulte que le groupe n’a pas supporté ?  Rentrer dans la cour des grands, passé l’euphorie, n’est pas une mince affaire…  Se sont-ils rendus compte que la licorne en fin de compte n’existait définitivement pas ? Ainsi le groupe se sépare la même année tandis qu’en parallèle, ironie du sort, décolle magistralement une formation qui avait fait leur première partie lors de leur tournée américaine de 2003 : Arcade Fire !

Les Unicorns ne sont plus, mais il reste une quinzaine de titres nostalgiques à écouter sans modération. L’imagination, la passion et la spontanéité adolescente de leur unique album ont bien plus leur place au creux de vos petits tympans que de finir coincés sur les rayonnages d’une vieille bibliothèque, à prendre la poussière entre les contes de Grimm et ceux d’Andersen… Et pour cela il suffit de lancer le lecteur ci-dessous !



vendredi 25 novembre 2011

Bienvenue au Hot Club de Paris !



L’Angleterre nous a toujours vendu du rêve et ce n’est pas prêt de s’arrêter ! Non, Hot Club de Paris n’est pas un groupe de jazz, Django Reinhardt n’a pas influencé leur jeu de guitare. C’est juste pour faire hype, comme « Arctic Monkeys » ou « Egyptian Hip Hop ». Mais ne vous inquiétez pas, ce n’est pas une escroquerie artistique.


Ils sont trois, trois à chanter, une guitare, une basse et une batterie. Jamais rien d’autre. Ca suffit largement quand on sait comment les exploiter. Et ils le savent ! Comment définir leur musique… de la power pop punk au son clair, un accent du nord à couper au couteau (Liverpool, pas Béthune) de la spontanéité, de l’énergie, de l’inventivité.  

Les disques sont courts et rapides, pas de pause ou presque. La technique des trois Liverpudlians est impressionnante, rappelant un peu celle des Born Ruffians, en plus nerveux. Ils ont un style, oui réellement un style. Du math rock qui n’a pas oublié son passé anglais - on reconnaît l’influence des Clash et des Jam sous le vernis - mais qui regarde vers le futur, sans sophistications, sans électronique, sans robots et sans Chinois. C’est presque du garage rock malgré la propreté de la finition, des néo Mods, propres sur eux mais nourris à la bière. Un son immuable, aucun instrument n’est laissé derrière, personne n’accompagne personne, tout le monde est ensemble. Les harmonies ont l’air de se trouver naturellement, les rythmiques changent incessamment, les polyphonies sont omniprésentes.

Le Hot Club de Paris ne se prend pourtant pas au sérieux. La forme est teenage, les titres n’ont pas de sens (“Yes/No/Goodbye”, “Names and names and names”, «Sometimesitsbetternottostickbits-ofeachotherineachotherforeachother »), pas plus que les clips. C’est le génialissime label Moshi Moshi qui a eu l’honneur de produire leur premier album “Drop It Til It Pops”, en 2006. Une demi-heure très prometteuse. Quatre singles très inspirés (Shipwreck classé 153ème, Everyeveryeverything 140ème, Alleluia !) une énergie qui ne se relâche qu’à la onzième piste, quelques essais délirants (Welcome to the Hop, Bonded by Blood) qui font penser à du Blink 182 sous influence gospel et musique traditionnelle anglaise, et une conclusion qui donne vraiment envie de voir la suite (Everyeveryeverything)!

Ecoute intégrale de Drop It Til It Pops



En 2008 sort leur deuxième disque, « Live at Dead Lake », et ce n’est pas un live. Aucune concession, pas un gramme de folie en moins, Moshi Moshi tu l’aimes ou tu dégages. Le premier single Hey Housebrick est brillant, simple, direct. Les chœurs sont lumineux, la chanson est enthousiaste et réussie, tout comme My Little Haunting,  le second single. L’album suit son cours aussi sereinement que le premier, avec la même spontanéité et la même fraîcheur. Dédicace à The Friendship Song et We Played Ourselves, du bel ouvrage instrumental. The Dice Just Wasn’t Loaded From the Start fait penser aux trips acoustiques des Libertines enregistrés dans leur salon. Le disque fait à nouveau une pause avec Found Sleeping puis conclut énergiquement et positivement avec Sparrow Flew With Swallows Wings (« le moineau qui volait avec des ailes d’hirondelle »), sans doute une interprétation personnelle du « Geai paré des plumes du Paon » .


Ecoute intégrale de Live At Dead Lake

En 2010 paraît un EP, With Days Like This As Cheap, composé de six chansons, et il semblerait bien qu’il y ait un soupçon d’évolution dans leur son. Des clochettes par ci par là, des riffs plus saturés, plus « américains ». Rien de grave rassurez-vous, Matthew Smith n’arrivera jamais à imiter un Texan. Les chansons déboîtent toutes, Dog Tired At The Spring Dance sonne bien « à l’ancienne » frère, les autres cherchent une autre voie, plus longue, et la trouvent avec succès.

Hot Club de Paris - Will You Still Be In Love With Me Next Year by AtlantideZine

Encore un EP très similaire paru au début de cette année : The Rise And Inevitable Fall Of The High School Suicide Cluster Band, (il fallait jouer en 1967 pour choisir des titres aussi pourris les mecs). La musique est toujours aussi bonne ; mettons en relief la chanson éponyme particulièrement brillante, les chœurs sont toujours aussi élégants et les musiciens toujours aussi inventifs. Mais il y a un petit quelque chose… c’est plus propre, plus travaillé, les durées se sont allongées.  C’est difficile à reprocher quand même ; ce blog ne note pas la musique et il ne fera pas de critique facile non plus.

Hot Club de Paris - Free The Pterodactyl 3 by The Drift Record Shop

Allez on finit avec un son des quartiers nord :

Long Live the Club !