Le problème avec les jeux olympiques, c’est que la course
aux médailles se fait par chaque pays de son côté, et qu’au lieu de célébrer la
collaboration il conforte les fiertés nationales. I Heart Sharks n’aurait pas
pu participer à la compétition car ils ont eu l’impudence de mélanger leurs
provenances : New York, Londres et la Bavière réunis à Berlin. Voila une
entente cordiale qui malgré une légère entorse au règlement a mené à la
médaille d’or.
Pour
monter une équipe il faut quand même un langage commun, ce sera l’anglais, dans
une version germanisée imitant (à dessein ?) celui des lointains faubourgs
de Londres. Rien n’aurait pu aller mieux pour enrober cette
new-wave-électro-math-rock d’outre-tombe qui sent l’humidité des caves et la
poussière des entrepôts. Le premier single Wolves fait d’emblée froid dans le
dos, à la fois par son instrumentation glaciale, son chant répétitif saturé d’échos
et par son clip minimaliste moitié danse
moitié happening contemporain. Imaginez qu’ils ont appelé leur disque Summer,
quand absolument aucune chanson n’évoque le début du printemps ; un peu
comme Magritte et son « Ceci n’est pas une pipe ».
Ah mais
non, le second single se nomme « Let’s just pretend it’s summer ».
OK, des états d’âme allemands, météorologiques et/ou métaphoriques, sur l’absence d’été au nord des Alpes.
Admirez les fines lignes de guitare sur fond de synthé bouillonnant, c’est une
drôle de vision de l’été mais pourquoi pas ; après tout la glace peut
brûler.
Le groupe a réellement buzzé en début d’année en étant
retenu comme la BO du sublime line-up du Festival de Berlin 2012, intégrant
chaque groupe au cœur de la ville sur fond d’un « Und das ist die neue
Geschichte », tiré de Neuzeit. Beau tremplin amplement mérité, et on
aimerait bien entendre plus parler de groupes d’un pays situé entre l’Angleterre
et la Suède. Un groupe c’est la façade d’un label, et voilà une porte d’entrée
toute trouvée pour l’exploration des mélopées germaniques : AdP pour Auf
der Platz Records. Shakespeare’s language de rigueur.
Le groupe cite The Cure et Kraftwerk comme influences ;
elles sont autant évidentes par les arpèges électroniques omniprésentes que le
chant désespéré de Pierre Bee, quoiqu’avec un gros soupçon de modernité bien à
propos. Pourquoi une médaille d’or ? Ils mélangent des choses assez
convenues dans le milieu finalement. Mais non, parce qu’en démolissant les
frontières, ils ont trouvé une identité ultra forte et ultra originale,
reconnaissable entre mille autres en une fraction de seconde. Ils rendent le
kitsch sérieux, l’extirpant des masses radiolobotomisées pour le rendre
esthétique, lui insufflant une âme tirant sa beauté de sa mélancolie, comme le « Sturm
und Drang » national de jadis. Quand on en vient à évoquer l’été par des
mélodies comme celles de Lies ou de Ny Bln, mieux vaut ne pas penser à leur
vision de l’hiver !
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