Licorne (nf) : animal merveilleux et fantasmagorique qui vit depuis la nuit des temps à travers les contes et légendes. Un secret jalousement gardé par une communauté de petits êtres étranges culminant à 1m05 et disposant de fantastiques pouvoirs (don de dédoublement, faculté à se projeter corps et âmes dans des univers imaginaires, capacité de converser avec des objets en apparence inanimés… ) : les enfants.
La licorne est paradoxale ; les conteurs ne sont autres que les pires ennemis du fragile animal, pour qui elle n’est symbole que d’une puérile insouciance : les adultes. Et ceux-ci invariablement ont le dessus. Ainsi le drame de la licorne s’accomplit systématiquement vers cet âge fatidique. Un beau jour l’enfant ne réclame plus son histoire. Il a mille autre chose à faire ou c’est son voisin de classe, qui lui a déclaré avec mépris « mais t’es trop bête toi ! Les licornes ca n’existe pas, c’est comme le Père Noël d’abord ! » (et vlan ! deux traumatismes pour le prix d’un …). Première cuisante désillusion du bambin ; une fois l’enquête menée, le deuil surmonté, début donc de l’âge adulte et de ses graves obligations.
Tout comme la Licorne de notre enfance cette chronique va ainsi se pencher sur le berceau/cercueil des Unicorns (version anglophone de notre bel animal), un groupe posthume qui cristallisait toute l’insouciance de la jeunesse, ses splendides maladresses, sa sublime fragilité et son inéducable brièveté.
En effet, fondé en 2000 ce combo de tous jeunes canadiens est foudroyé dès 2004 au moment même où, comme le bel animal, encore hésitant, il aurait dû se mettre au galop et partir à la conquête du monde. Constitué de trois ados de Montréal, ce groupe mort-né a tout juste eu le temps de réaliser un album démo plus que prometteur, un premier album de toutes les espérances et un EP aux flamboyantes envolées, avant de rendre l’âme sur le bûcher de l’innocence.
A la fois magistral premier album, disque de la maturité et chant du cygne, l’unique album Who will cut our hair when we‘re gone ? paru en 2003 est un concentré de tubes en puissance qui semblent avoir été maladroitement enregistrés avec le pire des enregistreurs à K7, acheté 25$ dans la superette du coin… Titre génial sur le mode des naïves interrogations métaphysiques dont les enfants ont en général le secret, celui-ci est déjà porteur d’un bien funeste présage…
Tout aussi funeste, I don’t wanna die introduit idéalement l’album. Le son est brut, le format est ultra court, les harmonieuses mélodies vacillantes et l’atmosphère mélancolique particulièrement instable. Tuff Ghost et ses nappes de synthé enchaîne avec une chanson brinquebalante faite de bric et de broc qui s’avère paradoxalement d’une présence phénoménale.
The Unicorns: Don't Wanna Die by bikesinthekitchen
The Unicorns - Tuff Ghost by halloweengum The Unicorns: Don't Wanna Die by bikesinthekitchen
Adepte du Lo-fi vous allez vous régaler ! Les voix sont peu assurées, les balances plus que douteuses, et ne parlons même pas de l’accordage des instruments… Mais pourtant quel délice que les déchirants The clap, Inoculate the innocuous ou Les OS! Comme les groupe de lycéens aux noms les plus improbables que nous avons tous connus, les trois garçons arrivent à insuffler une profonde sincérité, une passion qui vient du plus profond de leurs tripes et prend le dessus de manière bluffante sur l’amateurisme général de cette affaire. La mélodique Jellybones et son intro déchirante en est l’exemple parfait. Idem pour Child Star, mélancolique chanson à tiroirs et son étrange pont de synthé qui imite à la perfection le son d’une k7 qui aurait trop été écoutée.
Child Star - The Unicorns by Daniel Bazurto
Ce mélange entre grande fragilité et inflexible détermination est frappant dans le clip de If I was a unicorn (première vidéo de l'article), simple reconstitution de live. Le frêle bassiste semble plier sous le poids de son instrument, le micro est trop haut pour le chanteur, le batteur hagard tente, tant bien que mal, de suivre le tempo qu’il est lui-même sensé insuffler à la chanson. Toutes les conditions sont présentes pour donner quelque chose de pathétique… et pourtant que nenni ! Les parties de guitares virevoltent, la rythmique est implacable, les voix conquérantes… Le résultat est une brillante chanson, hymne de la jeunesse qui pourrait déplacer des montagnes. Seuls des gamins plein d’espérance pouvaient avoir le culot de la composer comme cela, à bras le corps.
Ce mélange entre grande fragilité et inflexible détermination est frappant dans le clip de If I was a unicorn (première vidéo de l'article), simple reconstitution de live. Le frêle bassiste semble plier sous le poids de son instrument, le micro est trop haut pour le chanteur, le batteur hagard tente, tant bien que mal, de suivre le tempo qu’il est lui-même sensé insuffler à la chanson. Toutes les conditions sont présentes pour donner quelque chose de pathétique… et pourtant que nenni ! Les parties de guitares virevoltent, la rythmique est implacable, les voix conquérantes… Le résultat est une brillante chanson, hymne de la jeunesse qui pourrait déplacer des montagnes. Seuls des gamins plein d’espérance pouvaient avoir le culot de la composer comme cela, à bras le corps.
Autre clin d’œil à l’adolescence : la stridente et ridicule intro de Sea Ghost jouée à plein poumon… à la flute à bec ! Rafraîchissante provocation faite à ce ridicule et pathétique instrument en plastique, censé ouvrir le jeune à la magie de la pratique musicale, sûrement bien plus responsable du divorce durable que l’on observe dès lors entre de nombreux teenagers et le moindre instrument de musique… Bien heureusement les guitares prennent vite le relais pour enchaîner sur une chanson garage impeccablement brouillonne et bordélique.
The Unicorns - Seaghost by marklawson
The Unicorns - Seaghost by marklawson
Pour conclure l’album, le résigné Ready to die prend le contrepied de l’ouverture I Don’t Wanna Die … Bref, si l’on ajoute à ces insistantes références morbides que trois des treize titres comportent le mot « Ghost », nous ne pouvions pas dire que nous n’avions pas été prévenu !
Pourtant comment se douter à la sortie du génial EP 2014 qu’il s’agissait bien plus d’un point final que de la majuscule d’une carrière que l’on attendait encore fébrilement. Sorti en 2004, il laisse percevoir ce qui aurait pu advenir des Unicorns avec un peu plus de maturité. Les quatre chansons, aux structurations plus complexes, sont brillamment fignolées. L’enregistrement Lo-fi n’est plus qu’un lointain souvenir. Et l’insouciance du garage pop s’est transformée en un rock électro bien plus sombre et torturé. L’intro de 2014 ne laisse pas soupçonner le virage électronique que prend petit à petit la chanson portée par un furieux beat à la limite du dancefloor. La sensation de transe ressentie est d’autant plus forte dans la version démo qui clôt leEP. Le fier Emasculate the masculine et son riff dévastateur semble quant à lui prêt à partir à la conquête des stades des cinq continents…
Mais est-ce ce passage à l’âge adulte que le groupe n’a pas supporté ? Rentrer dans la cour des grands, passé l’euphorie, n’est pas une mince affaire… Se sont-ils rendus compte que la licorne en fin de compte n’existait définitivement pas ? Ainsi le groupe se sépare la même année tandis qu’en parallèle, ironie du sort, décolle magistralement une formation qui avait fait leur première partie lors de leur tournée américaine de 2003 : Arcade Fire !
Les Unicorns ne sont plus, mais il reste une quinzaine de titres nostalgiques à écouter sans modération. L’imagination, la passion et la spontanéité adolescente de leur unique album ont bien plus leur place au creux de vos petits tympans que de finir coincés sur les rayonnages d’une vieille bibliothèque, à prendre la poussière entre les contes de Grimm et ceux d’Andersen… Et pour cela il suffit de lancer le lecteur ci-dessous !
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