Take it Easy Hospital : children of the revolution !
La pop, gentille petite douceur, condensé de naïveté que l’on écoute d’une oreille distraite sans vraiment la prendre au sérieux… Take it Easy Hospital semble être de ces friandises là, que l’on avale tel un bonbon au miel en essayant de se persuader qu’il sera d’une aide pour traiter la saleté de rhume qui s’accroche à nos pauvres bronches depuis trois semaines. Mais au fond de nous, nous sommes tous persuadés qu’il ne pourra absolument rien pour nos ganglions qui ont triplé de volume et manquent d’exploser à tout moment ainsi que pour le remake du Titanic qui se trame dans notre pauvre nez défiguré. Mais malgré tout, systématiquement, on les avale goulûment par poignées, soit par nostalgie pour une grand-mère qui les dégaînait à tout va entre septembre et avril réalisant à elle seule les 2/3 du chiffre d’affaires de la confiserie traditionnelle du coin, ou alors on profite du prétexte médicamenteux pour se goinfrer de ces confiseries d’un autre temps et faire le plein de sucre, sans complexe. Finalement et si la magie de la pop se résumait à un mélange improbable entre nostalgie et boulimie? Peut-être en partie, mais pas seulement, ce serait un peu trop réducteur…
Ainsi si l’on gratte un tout petit peu l’apparente simplicité du genre musicale celui-ci se révèle être d’une richesse époustouflante. Quand on prend le temps de se pencher sur certaines variations de tonalités, des harmonies qui tout d’un coup s’entremêlent, la structure de bon nombre de petites ritournelles s’avère souvent bien plus complexe qu’elle n’en a l’air. La pop a ainsi la faculté de faire se tutoyer simplicité, raffinement et émotions. Et en cas de baisse de moral ou de petit passage à vide, les bénéfices du genre iront bien plus loin que le simple effet placebo du bonbon de mamie ! Et dans des situations encore plus dramatiques que la fin d’une idylle ou un 8/20 en maths qu’en est-il de la pop ? Et si cette musique pouvait jouer un rôle salvateur dans les contextes politiques les plus extrêmes où autoritarisme et intolérance se partagent le pouvoir de tout un pays et régissent le quotidien d’un peuple entier? Réponse sonore avec les iraniens de Take it Easy Hospital …
Take it Easy Hospital ne compte pas même le moindre album à son actif et peut sembler être un combo pop relativement anecdotique qui, au détour d’une vague page Myspace ou de quelques vidéos sur Youtube égrène de gentilles mélodies naïves et sans prétention. Et pourtant en y regardant de plus près, ce duo composé d’une frêle jeune fille et d’un garçon pas beaucoup plus costaud pourrait figurer en bonne place sur le podium de l’abnégation, de l’acharnement et du courage musical. En effet ce n’est pas à Camden, quartier branchouille londonien, devant un public de hypsters boutonneux qu’ils se sont rôdés, ni à New York, Berlin, Sydney, Tokyo ou dans tout autre quelconque hub de la pop culture mondialisé, mais …. à Téhéran !
Ces deux jeunes gens sont d’ailleurs les héros du film du réalisateur Bahman Ghobadi, Les Chats Persans, mi fiction, mi documentaire qui rend compte de tous les obstacles qui se dressent devant une jeunesse qui a soif de liberté et pour qui la pop constitue un échappatoire indispensable et salutaire. Interdite par le régime, cette sous-musique symbolise pour le régime toute la dépravation et l’impérialisme à l’américaine et est farouchement prohibée et pourchassée. Et pourtant des réseaux d’entraide de musiciens se mettent en place, des projets voient timidement le jour, des rêves de gloire et de révolte bourgeonnent dans l’esprit de ces jeunes passionnés. C’est dans ce contexte que les douces et mélodieuses compositions de Take it Easy Hospital prennent toute leur mesure. A la suite du film, tourné illégalement, les deux musiciens-acteurs se sont d’ailleurs retrouvés forcés de s’exiler à Londres où ils vivent maintenant depuis 2008.
Human Jungle, ci-dessus, irrésistible mélopée chantée avec humour dans la langue de l’ « ennemi occidental », marque par sa douceur et en même temps par l’implacable détermination qui s’en dégage. Dès l’ouverture du morceau la mélodie toute en escalier, jouée inlassablement à l’orgue, se fraye un chemin dans les tréfonds de nos neurones où elle restera imprimée à tout jamais. Les voix délicates et frêles s’accordent avec justesse pour provoquer les plus sublimes harmonies. Magnifiquement mis en images par un clip très esthétique, c’est un rêve qui va provoquer un chaos d’émotions contradictoires : l’on y rit et l’on y pleure allègrement.
Me and you, perle entonnée cette fois-ci en farsi, développe une autre sublime chanson où timbres masculins et féminins, guitares, synthés et batterie se jaugent, se cherchent, se frôlent et s’entrecroisent langoureusement dans une jouissive danse nuptiale.
Enfin petits bonus, avec Stop that, Red Hats et Télévision Blues, issus du Human jungle EP, qui croise avec brio l’univers pop nonchalant du groupe avec un soupçon d’électro new wave savamment distillé … Mais assez bavassé, laissons maintenant les mots et le verbiage aux sombres desseins des propagandiste liberticides de tous poils, tant politiques que religieux ou musicaux, et place aux artistes !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire