mercredi 25 janvier 2012

Din Stalker : Fin du Monde



Din Stalker est l’accomplissement isolé d’Hannes Strenström, Suédois qui avait rejoint SMK en 2001 parce qu’il avait de bons synthétiseurs. Porte-parole inconscient de volontés ineffables, messager lambda de la Révélation, « il » a délivré 45 minutes de chaos progressif. Le disque n’a ni titre ni référencement, il ne s’apprécie ni historiquement ni géographiquement. Il existe.



Le disque présente un univers sombre, déshumanisé, industriel. Proto-rythmiques, mélodies qui s’écoulent par boucles, froides, créent une ambiance post-apocalyptique, vide de vie, glaciale. La musique de Din Stalker (Le Harceleur) semble  générée par programmes et équations tant elle est précise, immuable et irrépressible. B.O hypothétique d’un « Voyage au centre de la Terre » futuriste, ou de la fin du Monde, si la musique exprime l’inénarrable, Din Stalker narre l’inconcevable, et mille voies sont ouvertes à l’interprétation…
Née des ténèbres, cette musique est l’expression d’une mécanique a-sentimentale, expérience sensorielle éprouvante d’une humanité en fin de vie, acculée à la perdition. 


Din stalker - 01 - kristi rus by RingBell


Kristi Rus évoque la mise en branle d’une excavatrice, avec déraillement de rouages, gravas jaillissant en  clapotis d’arpèges. La musique s’enfonce sous terre, creuse la croûte lentement, ralentit mais ne s’arrête jamais, engin survolté qui court-circuite sans cesse.

Premier sous-sol atteint, fusion dans la lave incandescente, la caverne lumineuse d’Herr Reporter, étrange sentiment de plaisir dans l’exploration foireuse des tréfonds sonores. Transposition sonore de la « Clarté ténébreuse », de l’« obscure clarté qui tombe des étoiles », l’un des plus beaux chapitres du disque. Il y aura des trouvailles bien plus glauques : si dans Ohne Zuschlag un petit côté guilleret surplombe encore tant bien que mal la masse obscure, enveloppant les rythmes sourds de délires 8bit endiablés, dans Our New Band c’est le plongeon : notre Otto Lidenbrock est seul au milieu de nulle part, perdu dans un labyrinthe de vide.



Herr Reporter by Din Stalker on Grooveshark




Le sentiment de vacuité est renforcé par la quasi absence d’évolution, six minutes à tourner en rond, mais le Harceleur ne fait pas tourner en rond pour rien. Et le plongeon dans le néant glacé se poursuit dans l’ambiance « mine de diamant » de Dumklang. Marteaux piqueurs, dynamitage d’ondes, Din Stalker fait sauter des perles à ne plus savoir qu’en faire, ensevelissant notre ouïe.


Din stalker - 10 - dumklang by RingBell


Sous terre il n’y a pas que l’enfer. A l’instar des limbes, il y a des répits dans les tourments. Analogue au jardin des délices de Bosch, Lidilidi et Majken Makin Mambo, ou intermèdes de lumière - du moins ses reflets lointains - parsèment le pèlerinage d’espérance. La rigueur mécanique est toujours là, mais moins brutale, plus effacée par la nostalgie des mélodies. Idem pour Somnambulist, virtuosité slagsmalsklubbienne, point d’orgue du voyage. Ambiance bonne enfant, qui trompe, en exposant une musique corrompue par la bonne humeur, en instance de châtiment. Et le châtiment, bien sûr final, s’écrit en deux actes : Gravinor Me et Dear Weekend. Les intentions n’ont jamais été cachées, les ritournelles macabres qui sévissent depuis quarante minutes vont dans une direction claire : le jugement dernier puis la destruction.

Din stalker - 04 - majken makin' mambo by RingBell


The Somnambulist (Din Stalker Remix) by Psilodump on Grooveshark


Gravinor Me, première phase du déluge apocalyptique, habille la rythmique diabolique de mélodies célestes. Acmé de l’œuvre, point nodal qui concentre toutes les tensions de la descente pour les faire exploser, éclater, désintégrer dans une déflagration insensée. Emballement total des sens et de la perception, aveuglement par disparition, étouffement par extinction.

Dear Weekend, seconde et ultime phase, Apokalupsis au sens premier du terme : mise à nu, révélation, qui crie à celui qui pourra encore entendre : Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, et ce qui doit arriver ensuite. Plus rien n’existe. Nouveau terreau potentiel pour un nouveau monde. Fruit de l’écriture automatique, l’œuvre s’est créée d’elle-même par l’heureux truchement de Hannes Strenström, dont la progéniture prend vie après la dernière seconde du dernier chapitre.


Din stalker - 07 - granivor me by RingBell


Din Stalker - Dear Weekend by Din Stalker on Grooveshark

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