Pour la célébration officielle de la naissance du divin
enfant vous saurez sans aucun doute choisir la BO parfaite, à piocher entre chœurs
traditionnels, mainstream cul-cul la praline ou revival « indépendant » comme
l’ont déjà fait Bright Eyes ou Sufjan Stevens. Mais pour la fête ancestrale du
solstice d’hiver qu’aurez-vous ? Ne vous inquiétez plus, nous avons
déniché les mélopées qui siéront le mieux à cette orgie païenne de fin d’année,
vous pourrez sereinement festoyer la renaissance du feu sacré avec le
déchaînement créatif de 50 Hertz !
Quand les enfants s’endormiront paisiblement au délicat tintinnabulement
de Douce Nuit, sous le joug innocent de
la passion consumériste la plus totale, vous
pourrez, dans un esprit hipster et complètement novateur bien entendu, savourer
la version alternative du passage par le jour le plus court de l’année. Et quel
que soit le péril, il faut l’affronter à bras-le-corps pour le surpasser, en ceci 50 Hertz constituera vos
parfaites braises symboliques. Un idoine rituel de passage, mélange de folie,
de décadence mais toujours empreint de l’esprit de Noël.
Difficile d’établir une grille de lecture tant leur musique
est bordélique. Leur discographie est dure à établir, que croyiez-vous, ces
choses-là ne tombent pas au creux de la main, c’est de l’archéologie musicale :
on fouille, on est déçu, on refouille, on trouve des choses, on essaye d’établir
leur date, leur authenticité, puis de former des relations entre elles. C’est
sûr que c’est plus facile avec les gentils chrétiens qui consignent tout qu’avec
les sauvages arboricoles qui ne connaissent pas l’écriture. Nous ne savons donc
que peu de choses : ils viennent du sud de la Suède, leur apogée se
situait au début du XXIème siècle et ils ont vécu très en marge des autres
civilisations, probablement dans une situation de quasi-ermitage. Cette
isolation presque totale a mené à leur perte, pour raison de consanguinité et de crises de folie aiguës, mais elle a néanmoins permis une très grande
originalité, en les affranchissant de toutes les conventions alors en vigueur.
Quand la plupart cherchent à rationaliser leurs idées, les
assembler de manière cohérente pour proposer ce qu’on a appelé plus tard des
morceaux de musique, 50 Hertz ne s’est jamais préoccupé d’un quelconque
peaufinage. Ils étaient de grands impulsifs, à la limite de la psychopathie, et
enregistraient leurs idées sans jamais les retravailler. N’ayant pas de
desseins commerciaux, ignorant les concepts de richesse, de profit et d’accumulation,
ils n’ont donc jamais mélangé musique et séduction. D’où la difficulté à comprendre l’œuvre. Il faut abandonner un certain nombre d’automatismes et de
concepts modernes pour prétendre saisir cette musique et ne pas faire d’anachronismes
psychologiques.
Nous ne savons que peu de choses avec certitude : 50
Hertz a longtemps été proche d’autres groupes suédois comme Slagsmalsklubben ou
Stay Ali, puis un événement les en a fait s’éloigner pour une raison inconnue.
Quand les deux autres ont réussi sans trop de mal à s’adapter aux révolutions
en cours à l’époque, lissant peu à peu leur musique pour la rendre propre à l’emploi
par les populations méridionales, les membres de 50 Hertz ont brusquement
disparu de la circulation. Contradictions internes, désaccords trop profonds ou
incapacité à évoluer, nul ne sait. Leur absence d’évolution, ou refus d’acculturation,
les rend particulièrement intéressants d’un point de vue ethnologique, à l’instar
des enfants sauvages et des chèvres à trois cornes, car elle renseigne sur les
changements qu’apportent l’obstination et l’autarcie.
Le résultat peut choquer. Disons-le tout net, il y a des
choses bonnes, d’autres mauvaises, de belles mélodies et du bruit infâme, des
singles potentiels et des mauvaises blagues. Tout est brut, souvent décousu,
brouillon et approximatif. Mais les idées fusent sans cesse, et le style
nordique païen est reconnaissable à chaque instant. Cette espèce de galimatias
électronique mi festif mi traditionnel, parfois guilleret parfois clairement
flippant. Des gémissements, des boîtes à musique et des monologues en suédois
font irruption de temps en temps, mais le sens demeure énigmatique. Rites
sacrificiels ? Prosternation collective ? Bûchers ? Mystère et
boule de neige !
Une seule autre certitude, le solstice d’hiver était le
moment le plus important de l’année, il n’y a qu’à voir le nombre d’emprunts
que le christianisme leur a faits, mettant de l’ordre dans tout ce charabia de
paganisme afin de s’en servir pour leur propre fête, décalée de quatre jours. Ce
qui rend 50 Hertz passionnant, c’est de savoir que nous ne les comprendrons
jamais vraiment, que la grande majorité de leurs codes resteront inexpliqués à
jamais et qu’ils sont un exemple presque unique d’insularité musicale.
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