lundi 8 octobre 2012

On l'écoute et on assume : L'orgie païenne de 50 Hertz



Pour la célébration officielle de la naissance du divin enfant vous saurez sans aucun doute choisir la BO parfaite, à piocher entre chœurs traditionnels, mainstream cul-cul la praline ou revival « indépendant » comme l’ont déjà fait Bright Eyes ou Sufjan Stevens. Mais pour la fête ancestrale du solstice d’hiver qu’aurez-vous ? Ne vous inquiétez plus, nous avons déniché les mélopées qui siéront le mieux à cette orgie païenne de fin d’année, vous pourrez sereinement festoyer la renaissance du feu sacré avec le déchaînement créatif de 50 Hertz !


Quand les enfants s’endormiront paisiblement au délicat tintinnabulement de  Douce Nuit, sous le joug innocent de la passion consumériste la plus totale,  vous pourrez, dans un esprit hipster et complètement novateur bien entendu, savourer la version alternative du passage par le jour le plus court de l’année. Et quel que soit le péril, il faut l’affronter à bras-le-corps pour  le surpasser, en ceci 50 Hertz constituera vos parfaites braises symboliques. Un idoine rituel de passage, mélange de folie, de décadence mais toujours empreint de l’esprit de Noël. 






Difficile d’établir une grille de lecture tant leur musique est bordélique. Leur discographie est dure à établir, que croyiez-vous, ces choses-là ne tombent pas au creux de la main, c’est de l’archéologie musicale : on fouille, on est déçu, on refouille, on trouve des choses, on essaye d’établir leur date, leur authenticité, puis de former des relations entre elles. C’est sûr que c’est plus facile avec les gentils chrétiens qui consignent tout qu’avec les sauvages arboricoles qui ne connaissent pas l’écriture. Nous ne savons donc que peu de choses : ils viennent du sud de la Suède, leur apogée se situait au début du XXIème siècle et ils ont vécu très en marge des autres civilisations, probablement dans une situation de quasi-ermitage. Cette isolation presque totale a mené à leur perte, pour raison de consanguinité et de crises de folie aiguës, mais elle a néanmoins permis une très grande originalité, en les affranchissant de toutes les conventions alors en vigueur.


Den dimhöljda dvärgens brillor by 50hertz on Grooveshark

Vill du gifta dig med mig (och min bror)? by 50hertz on Grooveshark


Quand la plupart cherchent à rationaliser leurs idées, les assembler de manière cohérente pour proposer ce qu’on a appelé plus tard des morceaux de musique, 50 Hertz ne s’est jamais préoccupé d’un quelconque peaufinage. Ils étaient de grands impulsifs, à la limite de la psychopathie, et enregistraient leurs idées sans jamais les retravailler. N’ayant pas de desseins commerciaux, ignorant les concepts de richesse, de profit et d’accumulation, ils n’ont donc jamais mélangé musique et séduction. D’où la difficulté à comprendre l’œuvre. Il faut abandonner un certain nombre d’automatismes et de concepts modernes pour prétendre saisir cette musique et ne pas faire d’anachronismes psychologiques. 


När Jag Säger Kör, Kör Vi by 50hertz on Grooveshark


Nous ne savons que peu de choses avec certitude : 50 Hertz a longtemps été proche d’autres groupes suédois comme Slagsmalsklubben ou Stay Ali, puis un événement les en a fait s’éloigner pour une raison inconnue. Quand les deux autres ont réussi sans trop de mal à s’adapter aux révolutions en cours à l’époque, lissant peu à peu leur musique pour la rendre propre à l’emploi par les populations méridionales, les membres de 50 Hertz ont brusquement disparu de la circulation. Contradictions internes, désaccords trop profonds ou incapacité à évoluer, nul ne sait. Leur absence d’évolution, ou refus d’acculturation, les rend particulièrement intéressants d’un point de vue ethnologique, à l’instar des enfants sauvages et des chèvres à trois cornes, car elle renseigne sur les changements qu’apportent l’obstination et l’autarcie.




Warsawa by 50hertz on Grooveshark


Le résultat peut choquer. Disons-le tout net, il y a des choses bonnes, d’autres mauvaises, de belles mélodies et du bruit infâme, des singles potentiels et des mauvaises blagues. Tout est brut, souvent décousu, brouillon et approximatif. Mais les idées fusent sans cesse, et le style nordique païen est reconnaissable à chaque instant. Cette espèce de galimatias électronique mi festif mi traditionnel, parfois guilleret parfois clairement flippant. Des gémissements, des boîtes à musique et des monologues en suédois font irruption de temps en temps, mais le sens demeure énigmatique. Rites sacrificiels ? Prosternation collective ? Bûchers ? Mystère et boule de neige !


Nigga Please by 50hertz on Grooveshark




Une seule autre certitude, le solstice d’hiver était le moment le plus important de l’année, il n’y a qu’à voir le nombre d’emprunts que le christianisme leur a faits, mettant de l’ordre dans tout ce charabia de paganisme afin de s’en servir pour leur propre fête, décalée de quatre jours. Ce qui rend 50 Hertz passionnant, c’est de savoir que nous ne les comprendrons jamais vraiment, que la grande majorité de leurs codes resteront inexpliqués à jamais et qu’ils sont un exemple presque unique d’insularité musicale.

Med en sol by 50hertz on Grooveshark


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