Ponsonby c’est un peu le Camden londonien en plus petit et
plus éparse. Beaucoup plus petit et infiniment plus éparse. Mais il y a aussi
quelques briques, quelques bars et quelques salles de concert. Certaines snob
et certaines crades. Et j’ai eu l’occasion de voir les Eversons (projet Lil Chief Records de Mark Tuner, des Little Pictures) monter à la
capitale pour donner un show sur une scène justement à mi-chemin entre la boue
et le vin blanc.
Est-ce qu’Auckland est une ville envahie de quadragénaires avinés
aux cépages West Coast ? C’est encore l’impression que me renvoie le
Golden Dawn, une semaine après avoir vu Princess Chelsea tenter de sauver du
coma les quelques épaves moribondes échouées dans le hall du Musée national.
Mais une fois passé l’intérieur du bar, l’immense
arrière-cour rassure un peu le jeune en soif d’énergie et d’air frais. Le staff
a eu l’excellente idée de ne laisser découvert que le devant de la scène,
histoire de stimuler les fans par la pluie glaciale et la bourrasque.
En première partie, un groupe undergroud, en dessous de l’underground,
avec des pulls en laine trop larges, des cheveux dégueus et des bonnets
effilochés comme en 1991. Ils s’appellent Poor You Poor Me et ils sont assez
mauvais. Certaines chansons auraient pu être intéressantes si le bassiste avait
su régler son ampli et si la chanteuse n’était jamais venue au monde. Et si la
sono avait été réglée 150 décibels plus bas pour éviter de me rappeler que j’ai
des acouphènes, que j’oublie toujours les bouchons pour les concerts et que je
ne me suis jamais dit que certaines choses n’arrivaient qu’aux autres comme le
prétendent les campagnes de prévention à chier mais que pourtant je risque de
finir comme les épouvantails des prospectus si je continue.
Peu de gens accordent de l’importance au groupe, mais
impossible de dire quel paramètre entre la qualité artistique et la météo a le
plus joué. Un DJ sapé en bad boy des fifties comble le vide de la transition
par un mix de jazz vocal et de hardcore, me prouvant avec surprise que le
premier groupe n’a pas détruit les enceintes.
Puis enfin viennent les quatre fringants musiciens des
Eversons. Straight from Wellington. Mieux valait qu’on connût les chansons
avant de les entendre en live, mais une fois ce pas franchi…
A quatre sur 2m², ils balancent leur disque avec une
rapidité, une frénésie et une pêche inégalées, faisant trembler le sol en carton
et manquant de s’éborgner entre eux avec les manches de guitares. Tout est mal
foutu : la balance, le son, la scène. La pluie battante parachève le
tableau apocalyptique. Le groupe qui en CD nous avait proposé une pop
gentillette et lumineuse s’est transformé par le truchement de quelques
incompétents en crew de post punk/hardcore, couvrant les quelques bribes de
cris par des nappes de saturation infâmes. Mais pour qui connaissait leur
musique avant, c’est bien. Formidable même, car le dévouement et la bonne humeur des quatre membres est saisissante, autant que la fraîcheur et la puissance de leurs compositions. Le jeu est de deviner quelle mélodie est jouée à
quel moment, ce n’est pas toujours facile mais les musiciens nous donnent des
indices de temps en temps, quand l’un d’entre eux cesse de jouer ou quand ils
annoncent un morceau par exemple.
Peut-être faut-il choisir entre qualité sonore et
authenticité ? Si c’est le cas, l’arbitrage de ce soir-là est sans doute
le bon, car s’il n’y a pas toujours eu le plaisir de la musique, il y a eu le
plaisir de l’esprit du rock. Celui qui réunit n’importe qui n’importe où pour
la plupart du temps n’importe quoi et qui fait fi des considérations techniques
pour toucher à l’essentiel : l’énergie créatrice. Et là, aucun regret :
les Eversons font du rock and roll, et la boue l'a emporté sur le vin blanc.
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