Une
électronique d’un froid polaire, piquante et dure, souvent sinistre, c’est la
musique du Suédois Johann T Karlsson, alias Familjen, un Suédois de Hässleholm
évadé à Malmö. Un chant mi suédois mi scanien - ce qui est un choix trop rare
considéré la sonorité des langues scandinaves – des boîtes à rythmes
dancefloor, de lourdes lignes de synthé, tout est à mi-chemin entre mécanique
sans âme et subtilités mélodiques. Rêveuse, évasive, contemplative par la voix,
cette musique est martelante, oppressante et même violente par l’instrumentation.
Deux disques seulement, mais aucune erreur, ce qui suffit à asseoir sa
crédibilité de compositeur.
Karlsson
n’est pas issu du sérail, c’est juste un bidouilleur qui est né au bon endroit,
parvenant facilement à se constituer une notoriété locale dans sa ville natale
de 18000 habitants. Le talent combiné à un réseau de labels compétents lui font
très vite enregistrer « Det Snurrar i min skalle » en 2007. Il ne
cherche déjà plus son style, il l’avait trouvé avant même d’envisager de faire
de la musique, il a toujours été là et s’exprime donc tout naturellement
pendant quarante minutes. Un style malléable, lui permettant de satisfaire à
des exigences micro-commerciales, remplies par le morceau éponyme et Huvudet I
Sanden, sorte de dance passée à la moulinette de l’innovation électronique suédoise.
Det Lilla Livet, tout comme le côté pop de Nån Gång,
conviendraient également aux bonnes radios. En revanche, l’oppression de Det
Vet Du, le dépouillement de Första Sista ou l’improvisation délirante de Hög
Luft (la plus suédoise du disque) sont bien moins calculés, et permettent d’envisager
Familjen comme un groupe clairement indépendant.
Le disque, pris en charge par le label de Royksöpp et Kings of Convenience, distribué jusqu’en Australie, fait son buzz et lui donnent l’occasion
de se produire à travers toute la Scandinavie.
Mänskligheten,
sorti en 2010, est bien plus hétérogène et explore de nouveaux sentiers.
Commençant par un morceau très bête et très méchant (ce qui le rend charmant), le
disque propose des morceaux faciles d’accès, rafraîchissants comme När
planeterna stannat, qui nous fait l’honneur d’une guitare et d’une batterie
inattendues, ou Djungelns lag, sorte d’hymne faisant penser à la bonne période
de Peter, Björn & John.
La palme revient au single Det Var jag : tout est
juste, finement ciselé, rempli d’idées, avec ce mélange immuable de douceur et
de brutalité. Mitt Bästa ou Vems lilla hjärta aident à recadrer l’objet :
Familjen a trouvé le point juste équidistant entre Casiokids et Little Dragon.
Mais il ne l’avait pas préparé, il est né en même temps qu’eux, participant au
monstrueux élan de créativité de la Scandinavie dans les années 2005-2010.
Ecoutez Viggo, et songez que cette musique fait partie d’un chapitre qui
deviendra historique.
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