Pas besoin d’écouter l’album. Même pas besoin de lancer la vidéo ci-dessous ; sur « pause » Princess Chelsea fait déjà bonne impression. Puis, quatre minutes de clapotis, d’aller-retour entre voix mixtes, de superpositions, d’échos… L’orgue, la guitare puis le chant ont l’air d’être au fond de la bassine, couverts d’eau savonnée ; les réverbérations sont si fortes qu’on ne sait plus bien quand les notes commencent, quand elles terminent ni d’où elles viennent.
C’est l’une des premières impressions que l’on peut avoir à l’écoute de The Cigarette Duet, le premier single extrait de Lil’ Golden Book, le premier album de Princess Chelsea. Une chanson qui traite du conflit conjugal autour du tabac. Une question lambda traitée avec une naïveté et une bêtise incommensurables. Comme l’esthétique de la pochette, qui fait passer Jeff Koons pour un artiste classique.
Le disque, comme le suggère son nom (référence au label Lil Chief Records), est un conte de fées ; il cherche à émouvoir, faire peur et nous mettre en garde contre les affres de la vie. C’est l’œuvre d’une jeune néo-zélandaise, Chelsea Nikkel, qui propose une électro-pop impeccable, fine, fragile, et dont chacun des chapitres a son identité, serti dans un ensemble cohérent.
Tout sonne d’outre-tombe et novateur à la fois. Un écho perpétuel initié par Machines Of Loving Grace, morceau mêlant instruments organiques et électroniques, pour symboliser une « prairie cybernétique où mammifères et ordinateurs vivraient en paix». Ensuite vient Yulia, une ballade dépressive qui semble parfois s’arrêter complètement. Des harpes, des clochettes, un glockenspiel, des parties vocales qui s’expriment par souffles planent sur le disque. Des morales médiévales (« so start being civil, courteous too or it will be off with your head »), des vérités absolues (“Monkey Eats Bananas”), une ballade elvispresleyment orchestrée pour parler des ravages de l’alcool dans la jeunesse (Please don’t drink too much, I worry that you will die/Too fast to live is the stupidest saying I’ve heard in my life).
Princess Chelsea nous explique “La vie en Nouvelle-Zélande est assez plaisante, quand on atteint 22 ans elle n’est plus assez violente, nous voulons que les choses accélèrent, des trains plus rapides et des boîtes de nuit plus grandes, nous voulons de l’argent, des kudos (gloire et renom qui découlent d’une action) et des drogues plus fortes… donc nous allons à l’étranger, où nous faisons les mêmes choses avec moins d’espace, puis nous revenons chez nous au bout de deux ans, avec un soupir de soulagement, mais tout en disant que c’était mieux ».
Un constat désabusé qui sert de morale au conte, qui nous fait douter du côté du miroir dans lequel évolue Princess Chelsea. Un disque exceptionnel pour un label d’exception (l’esthétique est très proche des Brunettes, pas très éloignée de celle des Little Pictures non plus). L’insularité est résolument féconde.
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