vendredi 29 juin 2012

Misteur Valaire, cocktail Electro-Jazz québécois survitaminé


Voila (enfin) la chaleur qui prend à contrepied les analyses catastrophistes des spécialistes météorologiques de Télé 7 Jours. Et tandis que les dernière copies du bac ont été torchées et que les sinistres profs de maths sont partis en fumée dans de joyeux bûchers de cahiers remplis d’équations désormais obsolètes,  les flots de furieux juilletistes déferlent par milliers faire les crêpes sur les quelque 3800 km de littoral de l’hexagone. Mais toi… toi qui n’as pu prendre que tes deux dernières semaines d’août. Comment vas-tu faire pour patienter sous les combles étouffantes de ton 18 m2 de la porte de Champerret ? Mieux que Paris Plage ou une aprem à la base nautique de Cergy-Pontoise, voici une petite suggestion  de mixologie révolutionnaire venue tout droit de nos confrères outre-Atlantique du Québec. Si un rafraîchissant cocktail convient à ton triste sort d’aoûtiste c’est bien le Misteur Valaire ! Pas compliqué à préparer et bien meilleur que le sirop d’érable (mais convenons-en, pas beaucoup plus digeste…).
Avant tout bourrez donc votre shaker de tout ce que vous n’avez jamais osé écouter dans votre collec Itunes : mélangez avec énergie un demi litre de free jazz avec tous vos restes de bouteilles de ce qui pourrait s’apparenter à du hip hop vintage bien craignos des 90’s. Saupoudrez généreusement le tout d’une épaisse crème d’électro 8bit et n’oubliez pas d’ajouter une larme de dialogues de cartoons psychotropes piochée dans vos K7 quand vous aviez quatre ans et demi… Branchez le tout sur votre super chaîne Bose dernier cri et balancez la sauce ! Contre toute attente voilà le délicieux Misteur Valaire enfin prêt à changer votre vie (ou au moins à égayer votre été en vous offrant une alternative salvatrice à l’ignoble tube officiel des JO concocté avec les pieds par Muse et leurs gros sabots) …
Gourmands soyez rassurés, il existe plusieurs variantes de l’élixir savamment distillé tout au long des trois albums de ces drôles d’oiseaux de Sherbrooke !  Ouvrant le bal en 2005 avec le très jazzy Mr Brian, ils enchaînent en 2008 par l’expérimentale et inclassable Friterday  Night avant de remettre le couvert, insatiable, en proposant le chef d’œuvre absolu des Shakers : le très abouti Golden Bombay.

Et si c’était un veau est plutôt appropriée pour cerner Friterday  Night : un sublime mélange de lignes de synthé, de cuivres, de beats furieux et d’incrustation de dialogues de films. Délicieusement anachronique, mais pas évident comme première approche du crew canadien ! Moment de fausse délicatesse avec un pianistique It’s all good que la batterie crucifie petit à petit avec délice et cruauté. Ces garçons ont indéniablement de l’humour ; pour preuve leur clip hallucinant de natation synchronisé en direct de la piscine de Trouville-sur-Mer en Normandie ! Pour les auditeurs les plus audacieux le dyptique Shaving (part 1) et Shaving (part 2) saura vous retourner les neurones. Attention quand même à l’abus de cette vénéneuse boisson…  Et avis aux amateurs,  l’album est gracieusement offert en téléchargement gratuit.

Et nous voilà enfin au gros morceau…  Comment aborder le survitaminé Golden Bombay de manière exhaustive et concise sans trop passer à côté de la plaque ? Plus pop et accessible que les deux précédents albums, il renferme des saveurs qui s’entrechoquent dans un joyeux bordel.  Après la bombe Lillehammer qui dérape en furieux électro 8bit à la Slagsmalsklubben, impossible de résister au diaboliquement mélodique Brandon Marlow, au scratch de Sweet Charlemagne ou au flow old school d’Ave Mucho …  Stakhanovistes virtuoses biberonnés au jazz et à l’électro, tous amis depuis l’enfance, toutes leurs parties instrumentales s’entremêlent de manière parfaitement fusionnelle. Les cuivres côtoient des sonorités de dancefloor sans aucun accros. Et c’est tout simplement très très beau !



Et si l’expérience auditive a beau déjà être assez extrême en CD c’est en live que Misteur Valaire est le plus dingue. Morceau choisi d’un concert vécu à l’Iboat, sympathique nouvelle péniche à danser bordelaise. En businessman avisés et machiavéliques  ils ont multiplié les collaborations pour faire du show un moment de chao parfaitement contrôlé : projections, lumières, costumes, mise en scène…  aucun élément de la scène du crime n’est laissé au hasard ! Ce pluvieux samedi soir de juin donc , le Bordelais, espèce hautaine et indolente et par essence même peu impressionnable, se presse mollement en rang plus que clairsemé devant la petite scène du bateau. Autant le dire, toutes les conditions du flop semblent réunies. Mais voilà les cinq extraterrestres qui débarquent sans l’aide de la moindre première partie ; les lumières explosent, les vestes volent,  les musiciens sautent d’un instrument à l’autre, gesticulant à qui mieux mieux et font des bonds d’au moins 50 cm … Et pourtant la musique tient parfaitement la route. Harangué, le Bordelais se voit poussé dans ses derniers retranchements et au bout de trois chansons il ne peut plus tenir ce bras de fer perdu d’avance! Le voilà qui se met à hurler, battre des mains frénétiquement et obéir aveuglément à toutes les injonctions du groupe qui en profite pour leurs infliger les derniers outrages... Morceau choisi avec Gumshoe et Brandon Marlow.
Et même si on nous a formellement mis garde sur le danger de l’abus d’une certaine sacro-sainte expression de pays à la feuille d’érable… On ne peut s’empêcher maintenant de hurler: « TABERNACLE, MAIS  QUE C EST BOOOON MISTEUR VALAIRE! »


mercredi 6 juin 2012

Wraygunn, blues-rock portugais au poil !




L’été se rapproche à grand pas ! Et par les temps de déprime européenne qui courent, les billets de voyage low cost fleurissent à tout va. C’est le moment de partir avant que la France ne perde ce « A » fatidique qui allégera votre portefeuille  de pas mal de E ! De l’offre spéciale « profitez des dernières jours de l’Euro en Grèce pour leur refourguer vos tiroirs de pièces rouges pour une semaine 4 étoiles pension complète entre mer d’huile et barrages de police » au non moins affriolant  «séjour napolitain au prix d’une Pizza Margarita à emporter »  que peut on espérer des nuits endiablés  de leur  pâle confrère lusitanien ? Mise à part peut être espérer se faire payer une tournée de porto millésimé par un groupe de consultants S&P en pleine beuverie après une journée de labeur carnassière… ou bien d’ improviser en trainant les pieds quelques funestes pas de Fado avec un groupe d’autochtones moustachus qui tentent de noyer, dans des litres de madère frelaté, les dernières prévisions de chômage peu réjouissantes.
Pas très Rock n Roll me dites-vous ? Stop ! On arrête avec les clichés. Et ouais, parce que vous pourriez tout aussi bien tomber sur un concert cathartique, plein de sueur et d’espoir, distillé par les monstres blues / gospel / punk de Wraygunn ! Petit focus sur leur quatrième opus Shangri La paru en 2007, et leur dernier né fraîchement débarqué dans les bacs en début d’année 2012, L’Art Brut de son petit nom. Esthétique considération bien à propos on a envie de dire.  



Et si leur blaze, étrange néologisme anglophone, est improbable (on imagine aisément les douloureuses tentatives de prononciation du fan lisboète), la musique est, quant à elle, d’une simplicité jouissive qui ne nécessite d’aucun interprète. Quelques accords bien sentis, une indolente batterie qui sait se montrer implacable quand il le faut, des voix féminines hautes en couleurs n’ayant rien à envier aux choristes des Stones …  Le décor est posé. Ne manque plus que la gouaille de Paulo Furtado, qui se vautre avec délice au milieu de ce joyeux bordel. Et bingo, voila un plan de relance pour le moins original, auquel aucun technocrate de Bruxelles n’avait songé, et qui tient la route avec brio. Les albums du sextet regorgent notamment d’arrangements experts qui font mouche aux moindres refrains. Voir Love is my new drugs, she’s a go go dancer ou Do you wanna dance pour preuves.

Love is my new drug by Wraygunn on Grooveshark


Avec la délicieuse ballade Hoola-Hoop Wooman on leur donnerait le bon dieu sans confession. Mais ne vous laisser pas berner… Rien de mieux que de noyer la méfiance du pauvre auditeur sans défense dans une feinte innocence, en flattant la corde sensible de la nostalgie 60’s qui sommeille en lui. En brillants professionnels, les voilà qui en profitent pour instaurer de façon pernicieuse de draconiens remaniement musicaux.

Hoola-Hoop Woman by Wraygunn on Grooveshark

De She’s a go go dancer à Work me out vous constaterez vite que le « Make love, not war ! » du bonhomme n’est pas de première fraicheur et qu’il aurait plus tendance à se rapprocher de l’approche concupiscente Strauss-Kahnienne de l’amour libre que de celle d’un pur et idéaliste John Lennon.  Mais sacrebleu, vivons avec notre temps ! Puisque l’on nous répète à longueur de journée que rigueur se doit de rimer avec réalisme. Voilà un groupe providence, bien loin des considérations utopistes et inutilement futiles du psychédélisme. On vous l’a dit, c’est LA CRISE ! Econome en notes l’intensité de l’ensemble n’en est pas le moins du monde altérée. L’explosion de Love letters from a muthafucka en est l’illustration parfaite.  Chaque double croche va occuper un rôle dans la cohérence de l’édifice final, véritable hymne punk qui revient à l’essence du rockabilly.

Love letters from a muthafucka by Wraygunn on Grooveshark

Et malgré un coffre pas si impressionnant que ca,  le ténébreux Furtado arrive à insuffler, comme dans ses parties vocales, à moitié murmurée, à moitié vomie, une vénéneuse énergie originelle. A l’image de Strolling around my hometown, les chansons, alternativement chantonnées, puis chuchotées et parlées, participe à l’instauration d’ambiances hypnotiques.

Stroling Around My Hometown by Wraygunn on Grooveshark


Mais puisque après tout, dettes publiques remboursées ou non, nous sommes tous foutus d’avance. Il ne nous reste plus qu’à nous retourner vers le tout puissant. Et ils ont pensé à tout ! Gracieusement, Ils nous offrent le fulgurant   No more, my lord, une prière bluesy de premier choix. Autant vous dire qu’avec ca, Saint-Pierre n’a qu’à bien se tenir et qu’il a intérêt à nous garder une suite paradisiaque (au sens premier du terme) de premier choix.
No more, my lord by Wraygunn on Grooveshark

Bref ; In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti ; Wraygunn …